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422 SEPTimiE DISCOURS.

De cet air insolent ([u'on nomme dignité,

Le Romain demanda : « Qirest-cc que vérité? »

L'IIomme-Dieu, qui pouvait l'instruire ou le confondre,

A ce juge orgueilleux dédaigna de répondre :

Son silence éloquent disait assez à tous

Que ce vrai tant cherché ne fut point fait pour nous.

Mais lorsque, pénétré d'une ardeur ingénue,

Un simple citoyen l'aborda dans la rue,

Et que, disciple sage, il prétendit savoir

Quel est l'état de l'homme, et quel est son devoir;

Sur ce grand intérêt, sur ce point qui nous touche.

Celui qui savait tout ouvrit alors la bouche ;

Et dictant d'un seul mot ses décrets solennels :

(( Aimez Dieu, lui dit-il, mais aimez les mortels. »

Voilà l'homme et sa loi, c'est assez : le ciel même

A daigné tout nous dire en ordonnant qu'on aime.

Le monde est médisant, vain, léger, envieux;

Le fuir est très-bien fait, le servir encor mieux :

A sa famille, aux siens, je veux qu'on soit utile.

Où vas-tu loin de moi, fanatique indocile? Pourquoi ce teint jauni, ces regards effarés. Ces élans convulsifsS et ces pas égarés? Contre un siècle indévot plein d'une sainte rage, Tu cours chez ta béate à son cinquième étage : Quelques saints possédés dans cet honnête lieu Jurent, tordent les mains, en l'honneur du bon Dieu : Sur leurs tréteaux montés, ils rendent des oracles, Prédisent le passé, font cent autres miracles ; L'aveugle y vient pour voir, et, des deux yeux privé-. Retourne aux Quinze-Vingts marmottant son Ace; Le boiteux saute et tombe, et sa sainte famille Le ramène en chantant, porté sur sa béquille; Le sourd au front stupide écoute et n'entend rien ; D'aise alors tout pâmés, de pauvres gens de bien, Qu'un sot voisin bénit, et qu'un fourbe seconde. Aux filles du quartier prêchent la fin du monde.

Je sais que ce mystère a de nobles appas; Les saints ont des plaisirs que je ne connais pas.

��i. Les convulsionnaircs. {Note de Voltaire, 1742.)

2. Dans le chant III de la Pucelle on trouve une autre description de ces miracles; voyez page 63.

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