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418 SIXU-ME DISCOCllS. [

D'où yiont que je ne puis, plus prompt que mes idées, Voyager dans la lune, et réformer son cours? Pourquoi faut-il dormir un grand tiers de mes jours? Pourquoi ne puis-je, au gré de ma pudique flamme, Faire au moins en trois mois cent cufauts à ma femme? Pourquoi fus-je en un jour si las de ses attraits?

— Tes pourquoi, dit le dieu, ne finiraient jamais : Bientôt tes questions vont être décidées : Va chercher ta réponse au pays des idées : Pars. » Un ange aussitôt l'emporte dans les airs, Au sein du vide immense où se meut l'univers, A travers cent soleils entourés de planètes, De lunes et d'anneaux, et de longues comètes. Il entre dans un globe où d'immortelles mains Du roi de la nature ont tracé les desseins. Où l'œil peut contempler les images visil)les Et des mondes réels et des mondes possibles.

Mon vieux lettré chercha, d'espérance animé, Un monde fait pour lui, tel qu'il l'aurait formé. Il cherchait vainement : l'ange lui fait connaître Que rien de ce qu'il veut en effet ne peut être; Que si l'homme eût été tel qu'on feint les géants. Faisant la guerre au ciel, ou plutôt au bon sens. S'il eût à vingt mille ans étendu sa carrière, Ce petit amas d'eau, de sable, et de poussière, N'eût jamais pu suffire à nourrir dans son sein Ces énormes enfants d'un autre genre humain. Le Chinois argumente : on le force à conclure Que dans tout l'univers chaque être a sa mesure ; Que l'homme n'est point fait pour ces vastes désirs : Que sa vie est bornée ainsi que ses plaisirs ' ; Que le travail, les maux, la mort sont nécessaires; Et que, sans fatiguer par de lâches prières La volonté d'un Dieu qui ne saurait changer. On doit subir la loi qu'on ne peut corriger. Voir la mort d'un œil ferme et d'une Ame soumise. Le lettré convaincu, non sans quelque surprise,

1. Il existe de ce passage une variante que voici :

'Que sa vie est bornée, ainsi que ses plaisirs; Que Dieu seul a raison, sans qu'il nous en informe. Le lettré, convaincu de sa sottise énorme, ' S'en retourne ici-bas, etc.

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