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J'ai vécu, je Tavoue, avec des souverains*.

Mon vaisseau fit naufrage aux mers de ces sirènes :

Leur voix flatta mes sens, ina main porta leurs chaînes.

On me dit : « Je vous aime », et je crus comme un sot

Qu'il était quelque idée attachée h ce mot.

J'y fus pris; j'asservis au vain désir de plaire

La màlc liberté qui fait mon caractère ;

Et, perdant la raison, dont je devais m'armer.

J'allai m'imaginer qu'un roi pouvait aimer.

Que je suis revenu de cette erreur grossière !

A peine de la cour j'entrai dans la carrière.

Que mon àme éclairée, ouverte au repentir,

N'eut d'autre ambition que d'en pouvoir sortir.

Raisonneurs beaux esprits, et vous qui croyez l'être.

Voulez-vous vivre heureux, vivez toujours sans maître.

vous, qui ramenez dans les murs de Paris Tous les excès honteux des mœurs de Sybaris; Qui, plongés dans le luxe, énervés de mollesse, Nourrissez dans votre âme une éternelle ivresse ; Apprenez, insensés qui cherchez le plaisir. Et l'art de le connaître, et celui de jouir,

I Les plaisirs sont les fleurs que notre divin maître

i Dans les ronces du monde autour de nous fait naître.

Chacune a sa saison, et par des soins prudents On peut en conserver pour l'hiver de nos ans. Mais s'il faut les cueillir, c'est d'une main légère; On flétrit aisément leur beauté passagère. N'offrez pas à vos sens, de mollesse accablés, Tous les parfums de Flore à la fois exhalés : Il ne faut point tout voir, tout sentir, tout entendre t Quittons les voluptés pour savoir les reprendre. Le travail est souvent le père du plaisir : Je plains l'homme accablé du poids de son loisir. Le bonheur est un bien que nous vend la nature. 11 n'est point ici-bas de moisson sans culture : Tout veut des soins sans doute, et tout est acheté.

Regardez Rrossoret -, de sa table entêté,

��i. La fin de cet alinéa fut ajouti'e en 1756. (B.)

2. C'était un conseiller au parlement, fr)rt riche, homme voluptueux, qui fai- sait excellente chère. (Note de Voltaire, 1736.) — Les premières éditions ne l'ap- pelaient que LucuUus. (K.)

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