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[in] VARIANTES DU CHANT XXI. 347

Voas en goûtiez pourtant, la belle dame; Car je l'ai lu dans vos yeux pleins de ilanimc. Certes en moi la nature pâtit ; Je me connais : je serais alarmée D'un tel galant. » Jeanne alors repartit En s«upirant : « Ah! s'il t'avait aimée! »

Le Irail cjui termine ce chant est un mot connu. On a laissé en blanc quel- (jucs vers, par respect pour les dames ^. Ces vers ne se trouvent dans aucun des manuscrits <]ue nous avons consultés, et ils portent d'ailleurs avec eux la marque évidente de leur sup[)Osilion.

On voit, on lisant ce dernier chant, que l'ouvrage n'est pas terminé; et il est aisé de sentir par quelle raison l'auteur prit un nouveau plan, et changea le dénoûment. Suivant le premier plan, il paraît que le poëme ne devait avoir que quinze chants : tous les manuscrits antérieurs aux premières édi- tions n'en ont pas davantage. C'est d'après une de ces copies (juc les La Beau- melle et les Maubert publièrent, en 1755, leur édition de ce poëme arrangé à leur manière. Ces éditeurs et leurs successeurs, ennemis apparemment du nombre impair, et s'imaginant que les chants d'un poëme épique devaient être essentiellement en nombre rond, ont divisé la Pucelle tantôt en dix- huit, tantôt en vingt-quatre chants, sans autre peine que d'en couper plus ou moins en deux ; car leurs éditions d'ailleurs ne contiennent, aux falsifica- tions près, rien de plus que les manuscrits.

Ce fut sans doute pour arrêter toutes ces éditions subreptices que M. de Voltaire se détermina, en '1762, à publier son véritable ouvrage, et en donna la première édition in-8° en vingt chants, dont six n'étaient pas connus, savoir : les huit, neuf, seize, dix-sept, dix-neuf, et vingtième; le (•liant de Corisandre en était supprimé : dans la suite, il y ajouta encore le dix-huitième chant, qui avait paru séparément en 1764 ^. De sorte que le nombre en est demeuré fixé à vingt et un. -

Nous n'avons remarqué que de légères différences entre les premiers manuscrits. Dans quelques-uns le quinzième et dernier chant commence

ainsi :

Tout bon Français, dans le fond de son cœur,

Doit savourer un plaisir bien flatteur,

Alors qu'il voit dans les champs de l'honneur,

La lance au poing, son respectacle maître,

Suivi des siens, en héros reparaître,

Avec l'objet qui seul fait son bonheur,

Et la Pucelle, et son doux confesseur,

Et son îîonneau plus nécessaire encore.

Vers Orléans conduit par sa valeur,

11 va défendre un peuple qui l'implore,

1. J'ai suivi l'exemple de M. Louis du Bois, qui n'a pas imité la pruderie dos éditeurs do Kehl, pruderie assez mal placée, et dont on peut dire, je crois : » Non erat hic locus. « Les vers qu'ils ont omis sont, en grande partie au moins, de Voltaire, et ont été cités dans un trop grand nombre d'ouvrages pour qu'il soit permis de ne les point comprendre dans les variantes du poëme de Za Pucelle. (R.)

2. Voyez la note 1 de la page 2S7.

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