Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

342 VARIANTES DU CHANÏ XXI.

Ce jus brillant, ces liquides rubis, Que tient Citeaux dans ses caveaux bénis. A l'autre bout de la superbe tente Est un sopha d'une forme élégante, Bas, large, mou, très-proprement orné, A deux cbovcts, à dossier contourne, Où deux amis peuvent tenir à l'aise. Sire Talbot vivait à la française.

Son premier soin fut de faire chercher Le tendre objet qu'il avait su toucher. Tout ce qu'il voit parle de son amante : 11 la demande ; on vient ; on lui présente Un monstre gris en pompons enfantins, Haut de trois pieds, en comptant ses patins. D'un rouge vif ses paupières bordées Sont d'un suc jaune en tous temps inondées : Un large nez, au bout tors et crochu. Semble couvrir un long menton fourchu.

Talbot crut voir la maîtresse du diable ; Il jette un cri qui fait trembler la table. C'était la sœur du gros monsieur Louvet, Qu'en son logis la garde avait trouvée, Et qui de gloire et do plaisir crevait. Se pavanant de se voir enlevée.

La présidente, en proie à la douleur D'avoir manqué son illustre entreprise, Se désolait de la triste méprise : Et jamais sœur n'a plus maudit sa sœur •. L'amour déjà troublait sa fantaisie; Ce fut bien pis, lorsque la jalousie Dans son cerveau porta de nouveaux traits; Elle devint plus folle que jamais 2.

L'âne plus fou revint vers la Pucelle. Jeanne s'émut, ses sens furent charmés; Les yeux en feu : « Par saint Denis! dit-elle. Est-il bien vrai, monsieur, que vous m'aimez?

— Si je vous aime! en doutez-vous encore? Répondit l'âne. Oui, mon cœur vous adore. Ciel ! que je fus jaloux du cordelier ! Q'avec plaisir je servis l'écuyer Qui vous sauva de la fureur claustrale Où s'emportait la bête monacale •'! Mais que je suis plus jaloux mille fois De ce bâtard, de ce brutal Dunois ! Ivre d'amour, et fou de jalousie. Je transportai Dunois en Italie *. Las! il revint; il vous offrit ses vœux;

��1. Variante; manuscrit:

Jamais Valois n'a plus maudit sa sœur.

2. C'est ici que finissaient les éditions antérieures à celle do \'ô(j. ( R.)

3. Voyez chant V, 209-241.

4. Voyez chant VI, 32-61.

�� �