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Brouillons en paix, intrigants dans la guerre,
Régnant d’abord chez le grossier bourgeois,
Puis se glissant au cabinet des rois,
Et puis enfin, troublant toute la terre ;
Tantôt adroits et tantôt insolents,
Renards ou loups, ou singes ou serpents :
Voilà pourquoi les Bretons mécréants
De leur engeance ont purgé l’Angleterre.



Notre Lourdis gagne un petit sentier,
Qui par un bois mène au royal quartier.
En son esprit roulant ce grand mystère,
Il va trouver Bonifoux son confrère.
Dom Bonifoux, en ce même moment,
Sur les destins rêvait profondément ;
Il mesurait cette chaîne invisible
Qui tient liés les destins et les temps,
Les petits faits, les grands événements,
Et l’autre monde, et le monde sensible.
Dans son esprit il les combine tous,
Dans les effets voit la cause et l’admire ;
Il en suit l’ordre : il sait qu’un rendez-vous
Peut renverser ou sauver un empire.
Le confesseur se souvenait encor
Qu’on avait vu les trois fleurs de lis d’or
En champ d’albâtre à la fesse d’un page,
D’un page anglais : surtout il envisage
Les murs tombés du mage Hermaphrodix.
Ce qui surtout l’étonne davantage,
C’est le bon sens, c’est l’esprit de Lourdis.
Il connut bien qu’à la fin saint Denys
De cette guerre aurait tout l’avantage.



Lourdis se fait présenter poliment
Par Bonifoux à la royale amie ;
Sur sa beauté lui fait son compliment,
Et sur le roi ; puis il lui dit comment
Du grand Talbot la prudence endormie
A pour le soir un rendez-vous donné
Vers la poterne, où ce déterminé
Est attendu par la Louvet qui l’aime.
" On peut, dit-il, user d’un stratagème,
Suivre Talbot, et le surprendre là,
Comme Samson le fut par Dalila.