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N’est qu’une image imparfaite, infidèle,
De ces désirs dont l’excès vous poursuit.



Profanateurs indignes de mémoire,
Vous qui de Jeanne avez souillé la gloire,
Vils écrivains, qui, du mensonge épris,
Falsifiez les plus sages écrits,
Vous prétendez que ma Pucelle Jeanne
Pour on grison sentit ce feu profane ;
Vous imprimez qu’elle a mal combattu[1] ;
Vous insultez son sexe et sa vertu.
D’écrits honteux, compilateurs infâmes,
Sachez qu’on doit plus de respect aux dames.
Ne dites point que Jeanne a succombé :
Dans cette erreur nul savant n’est tombé,
Nul n’avança des faussetés pareilles.
Vous confondez et les faits et les temps,
Vous corrompez les plus rares merveilles ;
Respectez l’âne et ses faits éclatants ;
Vous n’avez pas ses fortunés talents,
Et vous avez de plus longues oreilles.
Si la Pucelle, en cette occasion,
Vit d’un regard de satisfaction
Les feux nouveaux qu’inspirait sa personne,
C’est vanité qu’à son sexe on pardonne,
C’est amour-propre, et non pas l’autre amour.



Pour achever de mettre en tout son jour
De Jeanne d’Arc le lustre internissable,
Pour vous prouver qu’aux malices du diable,
Aux fiers transports de cet âne éloquent,
Son noble cœur était inébranlable,
Sachez que Jeanne avait un autre amant
C’était Dunois, comme aucun ne l’ignore ;
C’est le bâtard que son grand cœur adore.
On peut d’un âne écouter les discours,
On peut sentir un vain désir de plaire ;

  1. L'auteur du Testament du cardinal Albéroni, et de quelques autres livres pareils, s'avisa de faire imprimer la Pucelle avec des vers de sa façon, qui sont rapportés dans notre Préface. Ce malheureux était un capucin défroqué, qui se réfugia à Lausanne et en Hollande, où il fut correcteur d'imprimerie. (Note de Voltaire, 1773.) — Voyez la note 1 de la page 20.

    Voltaire veut parler de Maubert de Gouvest qui n'a fait que revoir le Testament d'Albéroni, œuvres de Durey de Morsan, (G. A.)