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Qu’il faut apprendre à la race future ;
Et vous, lecteur, en qui le ciel a mis
Les sages goûts d’une tendresse pure,
Remerciez et Dunois et Denys,
Qu’un grand péché n’ait pas été commis.



Il vous souvient que je vous ai promis
De vous conter les galantes merveilles
De ce Pégase aux deux longues oreilles,
Qui combattit, sous Jeanne et sous Dunois,
Les ennemis des filles et des rois.
Vous l’avez vu sur ses ailes dorées
Porter Dunois aux lombardes contrées :
Il en revint ; mais il revint jaloux.
Vous savez bien qu’en portant la Pucelle,
Au fond du cœur il sentit l’étincelle
De ce beau feu, plus vif encor que doux,
Ame, ressort, et principe des mondes,
Qui dans les airs, dans les bois, dans les ondes,
Produit les corps et les anime tous.
Ce feu sacré, dont il nous reste encore
Quelques rayons dans ce monde épuisé,
Fut pris aux ciel pour animer Pandore.
Depuis ce temps le flambeau s’est usé :
Tout est flétri ; la force languissante
De la nature, en nos malheureux jours,
Ne produit plus que d’imparfaits amours.
S’il est encor une flamme agissante,
Un germe heureux des principes divins,
Ne cherchez pas chez Vénus Uranie,
Ne cherchez pas chez les faibles humains ;
Adressez-vous aux héros d’Arcadie.



Beaux Céladons, que des objets vainqueurs
Ont enchaînés par des liens de fleurs ;
Tendres amants en cuirasse, en soutane,
Prélats, abbés, colonels, conseillers,
Gens du bel air, et même cordeliers,
En fait d’amour, défiez-vous d’un âne.
Chez les Latins le fameux âne d’or,
Si renommé par sa métamorphose,
De celui-ci n’approchait pas encor :
Il n’était qu’homme, et c’est bien peu de chose.



L’abbé Trithème, esprit sage et discret,