Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

Vers ce château, son noble et sûr asile,
Où se gardaient ces magasins de Mars,
Ce long amas de lances et de dards,
Et les canons que l’enfer en sa rage
Avait fondus pour notre affreux usage.
Déjà des tours le faîte paraissait ;
La troupe en hâte au grand trot avançait,
Pleine d’espoir ainsi que de courage :
Mais La Trimouille, honneur des Poitevins
Et des amants, allant près de sa dame
Au petit pas, et parlant de sa flamme,
Manqua sa route et prit d’autres chemins.



Dans un vallon qu’arrose une onde pure,
Au fond d’un bois de cyprès toujours verts,
Qu’en pyramide a formés la nature,
Et dont le faîte a bravé cent hivers,
Il est un antre où souvent les Naïades
Et les Sylvains viennent prendre le frais.
Un clair ruisseau, par des conduits secrets,
Y tombe en nappe, et forme vingt cascades.
Un tapis vert est tendu tout auprès ;
Le serpolet, la mélisse naissante,
Le blanc jasmin, la jonquille odorante,
Y semblent dire aux bergers d’alentour :
" Reposez-vous sur ce lit de l’Amour. "
Le Poitevin entendit ce langage
Du fond du cœur. L’haleine des zéphyrs,
Le lieu, le temps, sa tendresse, son âge
Surtout sa dame, allument ses désirs.
Les deux amants de cheval descendirent,
Sur le gazon côte à côte se mirent,
Et puis des fleurs, puis des baisers cueillirent :
Mars et Vénus, planant du haut des cieux,
N’ont jamais vu d’objets plus dignes d’eux ;
Du fond des bois les Nymphes applaudirent ;
Et les moineaux, les pigeons de ces lieux,
Prirent exemple, et s’en aimèrent mieux.
Dans le bois même était une chapelle,
Séjour funèbre à la mort consacré,
Où l’avant-veille on avait enterré
De Jean Chandos la dépouille mortelle.
Deux desservants, vêtus d’un blanc surplis,