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Au rond bonnet, aux écourtés jupons ;
Leur corselet paraissait mi-partie
De fleurs de lis et de trois léopards[1].
Le roi fit halte, en fixant ses regards
Sur la cohorte en la forêt blottie.
Dunois et Jeanne avancent quelques pas.
La tendre Agnès, étendant ses beaux bras,
Dit à son Charle : " Allons, fuyons, mon maître, "
Jeanne en courant s’approcha, vit paraître
Des malheureux deux à deux enchaînés[2],
Les yeux en terre, et les fronts consternés.



" Hélas ! ce sont des chevaliers, dit-elle,
Qui sont captifs ; et c’est notre devoir
De délivrer cette troupe fidèle.
Allons, bâtard, allons et faisons voir
Ce qu’est Dunois et ce qu’est la Pucelle. "
Lance en arrêt, ils fondent à ces mots
Sur les soldats qui gardaient ces héros.
Au fier aspect de la puissante Jeanne
Et de Dunois, et plus encor de l’âne,
D’un pas léger ces prétendus guerriers
S’en vont au loin comme des lévriers.
Jeanne aussitôt, de plaisir transportée,
Complimenta la troupe garrottée.
" Beaux chevaliers, que l’Anglais mit aux fers,
Remerciez le roi qui vous délivre ;
Baisez sa main, soyez prêts à le suivre,
Et vengeons-nous de ces Anglais pervers. "
Les chevaliers, à cette offre courtoise,
Montraient encore une face sournoise,
Baissaient les yeux… Lecteurs impatients,
Vous demandez qui sont ces personnages
Dont la Pucelle animait les courages.
Ces chevaliers étaient des garnements
Qui, dans Paris payés pour leur mérite,
Allaient ramer sur le dos d’Amphitrite ;
On les connut à leurs accoutrements.
En les voyant le bon Charles soupire :

1.

2.

  1. Ce sont les armes d'Angleterre. (Note de Voltaire, 1764.)
  2. Palissot fait observer que « l'idée de ce chant appartient en entier à Michel de Cervantes ». Voir Don Quichotte, part. I, ch. xxii.