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S’écrie : " O ciel ! je suis un meurtrier,
Un housard noir plutôt qu’un chevalier ;
Mon cœur, mon bras, mon épée est infâme :
Est-il permis de tuer une dame ? "
Mais Richemont, toujours mauvais plaisant
Et toujours dur, lui dit : " Mon cher La Hire,
Va, tes remords ont sur toi trop d’empire ;
C’est une Anglaise, et le mal n’est pas grand ;
Elle n’est pas pucelle comme Jeanne. "



Tandis qu’il tient un discours si profane,
D’un coup de flèche il se sentit blessé :
Et devenu plus fier, plus courroucé,
Il rend cent coups à la troupe bretonne,
Qui comme un flot le presse et l’environne.
La Hire et lui, nobles, bourgeois, soldats,
Portent partout les efforts de leurs bras :
On tue, on tombe, on poursuit, on recule,
De corps sanglants un monceau s’accumule ;
Et des mourants l’Anglais fait un rempart.



Dans cette horrible et sanglante mêlée,
Le roi disait à Dunois : " Cher bâtard,
Dis-moi, de grâce, où donc est-elle allée ?
— Qui ? " dit Dunois. Le bon roi lui repart :
" Ne sais-tu pas ce qu’elle est devenue ?
— Qui donc ? -- Hélas ! elle était disparue
Hier au soir, avant qu’un heureux sort
Nous eût conduits au château de Bedfort ;
Et dans la place on est entré sans elle.
— Nous la trouverons bien, dit la Pucelle.
— Ciel ! dit le roi, qu’elle me soit fidèle !
Gardez-la-moi. " Pendant ce beau discours,
Il avançait et combattait toujours.



Bientôt la nuit, couvrant notre hémisphère,
L’enveloppa d’un noir et long manteau,
Et mit un terme à ce cours tout nouveau
Des beaux exploits que Charle eût voulu faire.



Comme il sortait de cette grande affaire,
Il entendit qu’on avait le matin
Vu cheminer vers la forêt voisine
Quelques tendrons du genre féminin ;
Une surtout, à la taille divine,
Aux grands yeux bleus, au minois enfantin,