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En ce moment la barroise amazone
Vit dans les airs, dans un nuage épais,
De son grison la figure et les traits ;
Comme un soleil, dont souvent un nuage
Reçoit l’empreinte et réfléchit l’image.
Elle cria : " Ce jour est glorieux ;
Tout est pour nous, mon âne est dans les cieux. "
Bedfort, surpris de ce prodige horrible,
Déjà s’arrête et n’est plus invincible.
Il lit au ciel, d’un regard consterné,
Que de saint George il est abandonné.
L’Anglais surpris, croyant voir une armée,
Descend soudain de la ville alarmée ;
Tous les bourgeois, devenus valeureux,
Les voyant fuir, descendent après eux.
Charles plus loin, entouré de carnage,
Jusqu’à leur camp se fait un beau passage.
Les assiégeants, à leur tour assiégés,
En tête, en queue, assaillis, égorgés,
Tombent en foule au bord de leurs tranchées,
D’armes, de morts, et de mourants jonchées.



C’est en ces lieux, c’est dans ce champ mortel
Que tu venais exercer ta vaillance,
O dur Anglais, ô Christophe Arondel !
Ton maintien sec, ta froide indifférence,
Donnaient du prix à ton courage altier.
Sans dire un mot, ce sourcilleux guerrier
Examinait comme on se bat en France :
Et l’on eût dit, à son air d’importance,
Qu’il était là pour se désennuyer.
Sa Rosamore, à ses pas attachée,
Est comme lui de fer enharnachée,
Tel qu’un beau page ou qu’un jeune écuyer :
Son casque est d’or, sa cuirasse est d’acier ;
D’un perroquet la plume panachée
Au gré des vents ombrage son cimier.
Car dès ce jour où son bras meurtrier
A dans son lit décollé Martinguerre,
Elle se plaît tout à fait à la guerre.
On croirait voir la superbe Pallas
Quittant l’aiguille et marchant aux combats,
Où Bradamante, ou bien Jeanne elle-même.