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" Encouragez celui qui vous admire. "
Il salua trois fois très-humblement
Les conseillers, le premier président ;
Puis il chanta d’une voix douce et tendre
Cet hymne adroit que vous allez entendre :



" O Pierre ! O Pierre ! ô toi sur qui Jésus
Daigna fonder son Église immortelle[1],
Portier des cieux, pasteur de tout fidèle,
Maître des rois à tes pieds confondus,
Docteur divin, prêtre saint, tendre père,
Auguste appui de nos rois très-chrétiens,
Étends sur eux ta faveur salutaire ;
Leurs droits sont purs, et ces droits sont les tiens.
Le pape à Rome est maître des couronnes,
Aucun n’en doute ; et si ton lieutenant
A qui lui plaît fait ce petit présent,
C’est en ton nom, car c’est toi qui les donnes.
Hélas ! hélas ! nos gens de parlement
Ont banni Charle ; ils ont impudemment
Mis sur le trône une race étrangère ;
On ôte au fils l’héritage du père.
Divin portier, oppose tes bienfaits
A cette audace, à dix ans de misère ;
Rends-nous les clefs de la cour du palais. "



C’est sur ce ton que saint Denys prélude ;
Puis il s’arrête : il lit avec étude
Du coin de l’œil dans les yeux de Céphas,
En affectant un secret embarras.
Céphas content fit voir sur son visage
De l’amour-propre un secret témoignage,
Et rassurant les esprits interdits
Du chantre habile, il dit dans son langage :
" Cela va bien ; continuez, Denys. "



L’humble Denys repart avec prudence :
" Mon adversaire a pu charmer les cieux ;
Il a chanté le Dieu de la vengeance,
Je vais bénir le Dieu de la clémence :

  1. Ces paroles de saint Denis rappellent à la mémoire, non peut-être sans intention de la part de Voltaire, celles que saint Matthieu (cap. xvi, v. 18) met dans la bouche de Jésus : « Tu es Petrus, et super banc petram ædiflcabo ecclesiam meam. » (R.)