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Fils d’Atrobad ; et la reine Athalie,
_Si méchamment mise à mort par_ Joad[1].



Longuette fut la triste litanie ;
Ces beaux récits étaient entrelacés
De ces grands traits si chers aux temps passés.
On y voyait le soleil se dissoudre,
La mer fuyant, la lune mise en poudre,
Le monde en feu qui toujours tressaillait ;
Dieu qui cent fois en fureur s’éveillait ;
Des flots de sang, des tombeaux, des ruines ;
Et cependant près des eaux argentines
Le lait coulait sous de verts oliviers ;
Les monts sautaient tout comme des béliers,
Et les béliers tout comme des collines[2].
Le bon Austin célébrait le Seigneur,
Qui menaçait le Chaldéen vainqueur,
Et qui laissait son peuple en esclavage ;
Mais des lions brisant toujours les dents,
Sous ses deux pieds écrasant les serpents,
Parlant au Nil, et suspendant la rage
Des basilics[3] et des léviathans[4].
Austin finit. Sa pindarique ivresse
Fit élever parmi les bienheureux
un bruit confus, un murmure douteux,
Qui n’était pas en faveur de la pièce.



Denys se lève ; et baissant ses doux yeux,
Puis les levant avec un air modeste,
Il salua l’auditoire céleste,
Parut surpris de leurs traits radieux ;
Et finement sa pudeur semblait dire :

  1. Allusion à l'épigramme de Racine :
    Je pleure, hélas ! pour ce pauvre Holopherme,
    Si méchamment mis à mort par Judith.

    (Note de Voltaire, 1762.)
  2. Il y a dans cette analyse de l'ode du bienheureux Austin de fréquentes allusions critiques à certaines beautés littéraires des saintes Écritures, entre autres du psaume cxiii : « Mare vidit, et fugit (v. 3)... Montes exultaverunt ut arietes, et colles sicut agni ovium (v. 4). » (R.)
  3. Basilic, animal fort fameux, mais qui n'exista jamais. [Psal., xc, 13.] (Note de Voltaire, 1762.)
  4. Léviathan, antre animal fort célèbre. Les uns disent que c'est la baleine, les autres le crocodile. [Job., III, 8; xi, 20; Isa., xxvii, 1.] (Id., 1762.)