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Pour le Dunois compagnon de ses armes :
Car elle avait toujours le cœur ému,
Se souvenant de l’avoir vu tout nu.



Bonneau, portant barbe de patriarche,
Suant, soufflant, Bonneau fermait la marche.
O d’un grand roi serviteur précieux !
Il pense à tout ; il a soin de conduire
Deux gros mulets tout chargés de vin vieux,
Longs saucissons, pâtés délicieux,
Jambons, poulets, ou cuits ou prêts à cuire.



On avançait, alors que Jean Chandos,
Cherchant partout son Agnès et son page,
Au coin d’un bois, près d’un certain passage,
Le fer en main rencontra nos héros.
Chandos avait une suite assez belle
De fiers Bretons, pareille en nombre à celle
Qui suit les pas du monarque amoureux ;
Mais elle était d’espèce différente,
On n’y voyait ni tetons ni beaux yeux.
" Oh ! oh ! dit-il d’une voix menaçante,
Galants Français, objet de mon courroux,
Vous aurez donc trois filles avec vous,
Et moi, Chandos, je n’en aurai pas une ?
Çà, combattons : je veux que la fortune
Décide ici qui sait le mieux de nous
Mettre à plaisir ses ennemis dessous,
Frapper d’estoc et pointer de sa lance.
Que de vous tous le plus ferme s’avance,
Qu’on entre en lice ; et celui qui vaincra
L’une des trois à son aise tiendra. "



Le roi, piqué de cette offre cynique,
Veut l’en punir, s’avance, prend sa pique.
Dunois lui dit : " Ah ! laissez-moi, seigneur,
Venger mon prince et des dames l’honneur. "
Il dit et court : La Trimouille l’arrête ;
Chacun prétend à l’honneur de la fête.
L’ami Bonneau, toujours de bon accord,
Leur proposa de s’en remettre au sort.
Car c’est ainsi que les guerriers antiques
En ont usé dans les temps héroïques :
Même aujourd’hui dans quelques républiques
Plus d’un emploi, plus d’un rang glorieux,