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En devisant, la belle et douce Agnès.
Cet aumônier qui la suivait de près,
Cet aumônier ardent, insatiable,
Arrive aux murs du logis charitable.
Ainsi qu’un loup qui mâche sous sa dent
Le fin duvet d’un jeune agneau bêlant,
Plein de l’ardeur d’achever sa curée,
Va du bercail escalader l’entrée :
Tel, enflammé de sa lubrique ardeur,
L’œil tout en feu, l’aumônier ravisseur
Allait cherchant les restes de sa joie,
Qu’on lui ravit lorsqu’il tenait sa proie.
Il sonne, il crie : on vient ; on aperçut
Qu’il était seul, et soudain il parut
Que les deux bois dont les forces mouvantes
Font ébranler les solives tremblantes
Du pont-levis par les airs s’élevaient,
Et, s’élevant, le pont-levis haussaient.
A ce spectacle, à cet ordre du maître,
Qui jura Dieu ? ce fut mon vilain prêtre.
Il suit des yeux les deux mobiles bois ;
Il tend les mains, veut crier, perd la voix.
On voit souvent, du haut d’une gouttière,
Descendre un chat auprès d’une volière :
Passant la griffe à travers les barreaux
Qui contre lui défendent les oiseaux,
Son œil poursuit cette espèce emplumée,
Qui se tapit au fond d’une ramée.
Notre aumônier fut encor plus confus,
Alors qu’il vit sous des ormes touffus
Un beau jeune homme à la tresse dorée,
Au sourcil noir, à la mine assurée,
Aux yeux brillants, au menton cotonné,
Au teint fleuri, par les grâces orné,
Tout rayonnant des couleurs du bel âge :
C’était l’Amour, ou c’était mon beau page ;
C’était Monrose. Il avait tout le jour
Cherché l’objet de son naissant amour.
Dans le couvent reçu par les nonnettes,
Il apparut à ces filles discrètes
Non moins charmant que l’ange Gabriel,
Pour les bénir venant du haut du ciel.