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Mais le fier George en l’embrassant jurait,
Et promettait que Denys le paierait.
Le bel archange, après cette embrassade,
Prend mes deux saints, et d’un air gracieux
A ses côtés les fait voguer aux cieux,
Où de nectar on leur verse rasade.



Peu de lecteurs croiront ce grand combat ;
Mais sous les murs qu’arrosait le Scamandre,
N’a-t-on pas vu jadis avec éclat
Les dieux armés de l’Olympe descendre ?
N’a-t-on pas vu chez chez cet Anglais Milton
D’anges ailés toute une légion[1]
Rougir de sang les célestes campagnes,
Jeter au nez quatre ou cinq cents montagnes,
Et, qui pis est, avoir du gros canon ?
Or si jadis Michel et le démon
Se sont battus, messieurs Denys et George
Pouvaient sans doute, à plus forte raison,
Se rencontrer et se couper la gorge.



Mais dans le ciel si la paix revenait,
Il en était autrement sur la terre,
Séjour maudit de discorde et de guerre.
Le bon roi Charle en cent endroits courait,
Nommait Agnès, la cherchait, la pleurait.
Et cependant Jeanne la foudroyante,
De son épée invincible et sanglante,
Au fier Warton le trépas préparait :
Elle l’atteint vers l’énorme partie
Dont cet Anglais profana le couvent ;
Warton chancelle, et son glaive tranchant
Quitte sa main par la mort engourdie ;
Il tombe, et meurt en reniant les saints.
Le vieux troupeau des antiques nonnains,
Voyant aux pieds de l’amazone auguste
Le chevalier sanglant et trébuché,

  1. Milton, au cinquième chant du Paradis perdu, assure qu'une partie des anges fit de la poudre et des canons, et renversa par terre dans le ciel des légions d'anges; que ceux-ci prirent dans le ciel des centaines de montagnes, les chargèrent sur leur dos, avec les forêts plantées sur ces montagnes et les fleuves qui en coulaient, et qu'ils jetèrent fleuves, montagnes, et forêts sur l'artillerie ennemie. C'est un des morceaux les plus vraisemblables de ce poëme. (Note de Voltaire, 1762.) — Paradise lost, VI, 512-520.