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Il mit d’abord au milieu d’un nuage
Le bon Denys ; puis il fit le voyage
Par un chemin solitaire, écarté,
Parlant tout bas, et marchant de côté.



Des bons Français le protecteur fidèle
Non loin de Blois rencontra la Pucelle,
Qui sur le dos de son gros muletier
Gagnait pays par un petit sentier,
En priant Dieu qu’une heureuse aventure
Lui fît enfin retrouver son armure.
Tout du plus loin que saint Denys la vit,
D’un ton bénin le bon patron lui dit :
" O ma Pucelle, ô vierge destinée
A protéger les filles et les rois,
Viens secourir la pudeur aux abois,
Viens réprimer la rage forcenée,
Viens ; que ce bras vengeur des fleurs de lis
Soit le sauveur de mes tendrons bénis :
Vois ce couvent, le temps presse, on viole ;
Viens, ma Pucelle ! " Il dit, et Jeanne y vole.
Le cher patron, lui servant d’écuyer,
A coup de fouet hâtait le muletier.



Vous voici, Jeanne, au milieu des infâmes
Qui tourmentaient ces vénérables dames.
Jeanne était nue ; un Anglais impudent
Vers cet objet tourne soudain la tête ;
Il la convoite ; il pense fermement
Qu’elle venait pour être de la fête.
Vers elle il court, et sur sa nudité
Il va cherchant la sale volupté.
On lui répond d’un coup de cimeterre
Droit sur le nez. L’infâme roule à terre,
Jurant ce mot des Français révéré,
Mot énergique, au plaisir consacré[1],
Mot que souvent le profane vulgaire
Indignement prononce en sa colère.



Jeanne, à ses pieds foulant son corps sanglant,
Criait tout haut à ce peuple méchant :
" Cessez, cruels ; cessez, troupe profane ;
O violeurs, craignez Dieu, craignez Jeanne ! "

  1. Voyez la note de la page 69.