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Au fier Shipunk est tombée en partage ;
Le dur Barclay, l’incrédule Warton,
Sont tous les deux après sœur Amidon.
On pleure, on prie, on jure, on presse, on cogne.
Dans le tumulte on voyait sœur Besogne
Se débattant contre Bard et Parson :
Ils ignoraient que Besogne est garçon,
Et la pressaient sans entendre raison.
Aimable Agnès, dans la troupe affligée
Vous n’étiez pas pour être négligée ;
Et votre sort, objet charmant et doux,
Est à jamais de pécher malgré vous.
Le chef sanglant de la gent sacrilège,
Hardi vainqueur, vous presse et vous assiège,
Et les soldats, soumis dans leur fureur,
Avec respect lui cédaient cet honneur.



Le juste ciel, en ses décrets sévères,
Met quelquefois un terme à nos misères.
Car dans le temps que messieurs d’Albion
Avaient placé l’abomination
Tout au milieu de la sainte Sion,
Du haut des cieux, le patron de la France,
Le bon Denys, propice à l’innocence,
Crut échapper aux soupçons inquiets
Du fier saint George, ennemi des Français.
Du Paradis il vint en diligence.
Mais, pour descendre au terrestre séjour,
Plus ne monta sur un rayon du jour ;
Sa marche alors aurait paru trop claire.
Il s’en alla vers le dieu du mystère[1] ;
Dieu sage et fin, grand ennemi du bruit,
Qui partout vole et ne va que de nuit ;
Il favorise (et certes c’est dommage)
Force fripons, mais il conduit le sage :
Il est sans cesse à l’église, à la cour ;
Au temps jadis il a guidé l’Amour.

  1. On ne connaît point dans l'antiquité le dieu du mystère; c'est sans doute une invention de notre auteur, une allégorie. Il y avait plusieurs sortes de mystères chez les gentils, au rapport de Pausanias, de Porphyre, de Lactance, d'Aulus Gellius, d'Apulcius, etc. Mais ce n'est pas cela dont il s'agit ici. (Note de Voltaire, 1762).