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Et que, lassé du spectacle de l’eau,
Il fit du vin par un art tout nouveau.
Flore et Pomone, et la féconde haleine
Des doux zéphyrs parfument ces beaux champs ;
Sans se lasser, l’œil charmé s’y promène.
Le paradis de nos premiers parents
N’avait point eu de vallons plus riants,
Plus fortunés ; et jamais la nature
Ne fut plus belle, et plus riche et plus pure.
L’air qu’on respire en ces lieux écartés
Porte la paix dans les cœurs agités,
Et, des chagrins calmant l’inquiétude,
Fait aux mondains aimer la solitude.



Au bord de l’onde Agnès se reposa,
Sur le couvent ses deux beaux yeux fixa,
Et de ses sens le trouble s’apaisa.
C’était, lecteur, un couvent de nonnettes.
" Ah ! dit Agnès, adorables retraites !
Lieux où le ciel a versé ses bienfaits !
Séjour heureux d’innocence et de paix !
Hélas ! du ciel la faveur infinie
Peut-être ici me conduit tout exprès,
Pour y pleurer les erreurs de ma vie.
De chastes sœurs, épouses de leur Dieu,
De leurs vertus embaument ce beau lieu ;
Et moi, fameuse entre les pécheresses,
J’ai consumé mes jours dans les faiblesses. "
Agnès ainsi, parlant à haute voix,
Sur le portail aperçut une croix :
Elle adora, d’humilité profonde,
Ce signe heureux du salut de ce monde ;
Et, se sentant quelque componction,
Elle comptait s’en aller à confesse ;
Car de l’amour à la dévotion
Il n’est qu’un pas ; l’un et l’autre est faiblesse.



Or du moutier la vénérable abbesse
Depuis deux jours était allée à Blois,
Pour du couvent y soutenir les droits.
Ma sœur Besogne avait en son absence
Du saint troupeau la bénigne intendance.
Elle accourut au plus vite au parloir,
Puis fit ouvrir pour Agnès recevoir.