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Où l’onde amère autrefois engloutie
Par la Charybde, aujourd’hui ne l’est plus[1] ;
Où de nos jours on ne peut plus entendre
Les hurlements des dogues de Scylla ;
Où les géants écrasés sous l’Etna[2]
Ne jettent plus la flamme avec la cendre ;
Tant l’univers avec le temps changea !
Le couple errant, non loin de Syracuse,
Va saluer la fontaine Aréthuse,
Qui dans son sein, tout couvert de roseaux,
De son amant ne reçoit plus les eaux[3].
Ils ont bientôt découvert le rivage
Où florissaient Augustin[4] et Carthage;
Séjour affreux, dans nos jours infecté
Par les fureurs et la rapacité
Des musulmans, enfants de l’ignorance.
Enfin le ciel conduit nos chevaliers
Aux doux climats de la belle Provence.



Là, sur les bords couronnés d’oliviers,
On voit les tours de Marseille l’antique,
Beau monument d’un vieux peuple ionique[5].
Noble cité, grecque et libre autrefois,
Tu n’as plus rien de ce double avantage ;
Il est plus beau de servir sous nos rois,
C’est, comme on sait, un bienheureux partage.
Mais tes confins possèdent un trésor
Plus merveilleux, plus salutaire encor.
Chacun connaît la belle Magdeleine,
Qui de son temps ayant servi l’Amour,
Servit le ciel étant sur le retour,
Et qui pleura sa vanité mondaine.
Elle partit des rives du Jourdain
Pour s’en aller au pays de Provence,
Et se fessa longtemps par pénitence,

  1. Autrefois cet endroit passait pour un gouffre très-dangcrcux. (Note de Voltaire, 1762.)
  2. L'Etna ne jette plus de flammes que très-rarement. (Id., 1762). — Les trois derniers mots ont été ajoutes en 1773. (R.)
  3. Le passage souterrain du fleuve Alphée jusqu'à la fontaine Aréthuse est reconnu pour une fable. (Note de Voltaire, 1762.)
  4. Saint Augustin était évêque d'Hippone. (Id., 1762.)
  5. Les Phocéens. (Id., 1762.)