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CHANT IX


Argument.- Comment La Trimouille et sire Arondel retrouvèrent leurs maîtresses en Provence, et du cas étrange advenu dans la Sainte-Baume.



Deux chevaliers qui se sont bien battus,
Soit à cheval, soit à la noble escrime,
Avec le sabre ou de longs fers pointus,
De pied en cap tout couverts ou tout nus,
Ont l’un pour l’autre une secrète estime ;
Et chacun d’eux exalte les vertus
Et les grands coups de son digne adversaire,
Lorsque surtout il n’est plus en colère.
Mais s’il advient, après ce beau conflit,
Quelque accident, quelque triste fortune,
Quelque misère à tous les deux commune,
Incontinent le malheur les unit :
L’amitié naît de leurs destins contraires,
Et deux héros persécutés sont frères.
C’est ce qu’on vit dans le cas si cruel
De La Trimouille et du triste Arondel.
Cet Arondel reçut de la nature
Une âme altière, indifférente et dure ;
Mais il sentit ses entrailles d’airain
Se ramollir pour le doux Poitevin :
Et La Trimouille, en se laissant surprendre
A ces beaux nœuds qui forment l’amitié,
Suivit son goût ; car son cœur est né tendre.
" Que je me sens, dit-il, fortifié,
Mon cher ami, par votre courtoisie !
Ma Dorothée, hélas ! me fut ravie ;
Vous m’aiderez, au milieu des combats,
A retrouver la trace de ses pas,