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Puis il conta comme il avait promis,
Chez les Lombards, à monsieur saint Denys,
De soutenir en tout lieu la sagesse
Et la beauté de sa chère maîtresse.
" Je crois, dit-il au dédaigneux Breton,
Que votre dame est noble et d’un grand nom,
Qu’elle est surtout aussi sage que belle ;
Je crois encor, quoiqu’elle n’ait rien dit,
Que dans le fond elle a beaucoup d’esprit :
Mais Dorothée est fort au-dessus d’elle,
Vous l’avouerez ; on peut, sans l’abaisser,
Au second rang dignement la placer. "



Le fier Anglais, à ce discours honnête,
Le regarda des pieds jusqu’à la tête.
" Pardieu, dit-il, il m’importe fort peu
Que vous ayez à Denys fait un vœu ;
Et peu me chaut que votre damoiselle
Soit sage ou folle, et soit ou laide ou belle
Chacun se doit contenter de son bien
Tout uniment, sans se vanter de rien.
Mais puisqu’ici vous avez l’impudence
D’oser prétendre à quelque préférence
Sur un Anglais, je vous enseignerai
Votre devoir, et je vous prouverai
Que tout Anglais, en affaires pareilles,
A tout Français donne sur les oreilles ;
Que ma maîtresse, en figure, en couleur,
En gorge, en bras, cuisses, taille, rondeur,
Même en sagesse, en sentiments d’honneur,
Vaut cent fois mieux que votre pèlerine ;
Et que mon roi (dont je fais peu de cas),
Quand il voudra, saura bien mettre à bas
Et votre maître, et sa grosse héroïne.
— Eh bien ! reprit le noble Poitevin,
Sortons de table, éprouvons-nous soudain ;
A vos dépens je soutiendrai peut-être
Mon tendre amour, mon pays, et mon maître.
Mais comme il faut être toujours courtois,
De deux combats je vous laisse le choix,
Soit à cheval, soit à pied ; l’un et l’autre
Me sont égaux : mon choix suivra le vôtre.
— A pied, mordieu ! dit le rude Breton ;