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Ce doux mélange et si vif et si tendre,
L’impression d’un reste de douleur,
La douce joie où se livrait son cœur,
Son embarras, sa pudeur, et sa honte,
Que par degrés la tendresse surmonte ?
Son La Trimouille, ardent, ivre d’amour,
Entre ses bras la tient longtemps serrée,
Faible, attendrie, encor tout éplorée ;
Il embrassait, il baisait tour à tour
Le grand Dunois, et sa maîtresse, et l’âne.



Tout le beau sexe, aux fenêtres penché,
Battait des mains, de tendresse touché ;
On voyait fuir tous les gens à soutane
Sur les débris du bûcher renversé,
Qui dans le sang nage au loin dispersé,
Sur ces débris le bâtard intrépide
De Dorothée affermissant les pas,
A l’air, le port, et le maintien d’Alcide,
Qui, sous ses pieds enchaînant le trépas,
Le triple chien, et la triple Euménide,
Remit Alceste à son dolent époux,
Quoique en secret il fût un peu jaloux.



Avec honneur la belle Dorothée
Fut en litière à son logis portée,
Des deux héros noblement escortée.
Le lendemain, le bâtard généreux
Vint près du lit du beau couple amoureux.
" Je sens, dit-il, que je suis inutile
Aux doux plaisirs que vous goûtez tous deux
Il me convient de sortir de la ville ;
Jeanne et mon roi me rappellent près d’eux ;
Il faut les joindre, et je sens trop que Jeanne
Doit regretter la perte de son âne.
Le grand Denys, le patron de nos lois,
M’a cette nuit présenté sa figure :
J’ai vu Denys tout comme je vous vois.
Il me prêta sa divine monture,
Pour secourir les dames et les rois :
Denys m’enjoint de revoir ma patrie.
Grâces au ciel, Dorothée est servie ;
Je dois servir Charles sept à son tour.
Goûtez les fruits de votre tendre amour.