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Un tendre cœur que l’on n’a pu dompter.
Si la maîtresse objet de votre hommage
Ne peut pour vous des mêmes feux brûler,
Cherchez ailleurs un plus doux esclavage,
On trouve assez de quoi se consoler ;
Ou bien buvez, c’est un parti si sage.
Et plût à Dieu qu’en un cas tout pareil
Le tonsuré qu’Amour rendit barbare,
Cet oppresseur d’une beauté si rare,
Se fût servi d’un aussi bon conseil !



Déjà Dunois à la belle affligée
Avait rendu le courage et l’espoir :
Mais avant tout il convenait savoir
Les attentats dont elle était chargée.
" O vous, dit-elle en baissant ses beaux yeux,
Ange divin qui descendez des cieux,
Vous qui venez prendre ici ma défense,
Vous savez bien quelle est mon innocence ! "
Dunois reprit : " Je ne suis qu’un mortel ;
Je suis venu par une étrange allure,
Pour vous sauver d’un trépas si cruel.
Nul dans les cœurs ne lit que l’Éternel.
Je crois votre âme et vertueuse et pure ;
Mais dites-moi, pour Dieu, votre aventure. "



Lors Dorothée, en essuyant les pleurs
Dont le torrent son beau visage mouille,
Dit : " L’amour seul a fait tous mes malheurs.
Connaissez-vous monsieur de La Trimouille ?
— Oui, dit Dunois, c’est mon meilleur ami ;
Peu de héros ont une âme aussi belle ;
Mon roi n’a point de guerrier plus fidèle,
L’Anglais n’a point de plus fier ennemi ;
Nul chevalier n’est plus digne qu’on l’aime.
— Il est trop vrai, dit-elle, c’est lui-même ;
Il ne s’est pas écoulé plus d’un an
Depuis le jour qu’il a quitté Milan.
C’est en ces lieux qu’il m’avait adorée ;
Il le jurait, et j’ose être assurée
Que son grand cœur est toujours enflammé,
Qu’il m’aime encor, car il est trop aimé.
— Ne doutez point, dit Dunois, de son âme ;
Votre beauté vous répond de sa flamme.