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VARIANTES DU CHANT V. 107

Assassiner le pauvre Sarrasin.

Ce roi bigot, insensé paladin,

Qui dans le ciel aurait ou belle place

S'il eût été tout simplement chrétien,

Grillait là-bas, et le méritait bien.

Homme pieux sans être homme de bien,

Laissant le vrai pour prendre la grimace.

Il fut toujours au delà de la grâce,

Et bien plus loin que les commandements.

11 se fessa, se couvrit de la haire,

Il but de l'eau, fit fort mauvaise chère,

One ne tàta de bisques, d'ortolans,

One ne mangea ni perdrix ni faisans.

Sur un châlit, sans former la paupière,

L'esprit au ciel, la discipline en main,

Il attendit souvent le lendemain.

Il eût mieux fait certes, le pauvre sire,

De se gaudir avec sa Margoton

Tranquillement au sein de son empire.

C'est, sur ma foi, pour aller au démon

Un sot chemin que celui du martyre.

Cet innocent renta les Quinze-Vingts, Pour le moutier dota cent pauvres filles, Et fonda gîte aux dévots pèlerins : C'est bien de quoi le mettre au rang des saints 1 Mais sans remords, dans le sein des familles. Il répandit de ses dévotes mains Los tristes fruits des combats inhumains, Et le trépas, et l'affreuse indigence; 11 appauvrit, il dévasta la France, 11 la remplit de veuves, d'orphelins : Quel diable eût fait plus de mal aux humains? Le Grisbourdon le vit, et sut se taire. Dans un réduit, à feu de réverbère, Il vit bouillir maints grands prédicateurs, "Riches prélats, casuistos, docteurs,

  • Moines d'Espagne et nonnains d'Italie,

De tous les rois les graves confesseurs, De nos beautés les paillards directeurs :

  • Le paradis ils ont eu dans leur vie.

Dans le foyer d'un grand feu de charbon, La tète hors d'un énorme cliaudron. Sous un grand foutre en forme de galère. Le moine vit le féroce Calvin •, Qui des deux yeux, au défaut de la main. Faisait la nique à Luther son confrère, Puis menaçait un pontife romain. A son regard farouche, atrabilaire,

��1. Voltaire, en désavouant ce passage, qu'il attribue <à Maubert, relève l'absurdité d'avoir placé Calvin au temps de Charles VII; mais il est juste de remarquer que le reproche d'ab- surdité n'est pas fondé, puisque l'auteur de ces vers, quel qu'il soit, dit plus bas que ce fut par un effet de l'art magique de Lucifer que le moine Grisbourdon crut voir Calvin, et pénétra ainsi les secrets do l'avenir. (R.)

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