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Façonnait aux forfaits ce cœur jeune et facile ;
Et le malheureux prince, à ses leçons docile,
Par son penchant féroce à les suivre excité,
Dans sa coupable école avait trop profité.
« Enfin, pour mieux cacher cet horrible mystère,
Il me donna sa sœur[1], il m’appela son frère.
Ô nom qui m’as trompé ! vains serments ! nœud fatal !
Hymen[2] qui de nos maux fus le premier signal !
Tes flambeaux, que du ciel alluma la colère,
Éclairaient à mes yeux le trépas de ma mère[3].

  1. Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, fut mariée à Henri IV en l572, peu de jours avant les massacres. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Le pape refusait à Marguerite de Valois la permission d'épouser Henri IV. « Si mons du pape fait trop la bête, dit Charles IX avec ses jurements ordinaires, je prendrai moi-même Margot par la main, et la mènerai épouser en plein prêche. » Enfin le pape se rendit, et Marguerite fut mariée à la porte de Notre-Dame de Paris par le cardinal de Bourbon, oncle de Henri IV. Charles IX parlait-il de bonne foi? ou la colère apparente contre le pape était-elle le fruit de la dissimulation? Ce pape, qui depuis approuva la Saint-Barthélémy, était-il instruit du complot lorsqu'il accorda la dispense? (K.)
  3. Jeanne d'Albret, attirée à Paris avec les autres huguenots, mourut après cinq jours d'une fièvre maligne : le temps de sa mort, les massacres qui la suivirent, la crainte que son courage aurait pu donner à la cour, enfin sa maladie, qui commença après avoir acheté des gants et des collets parfumés chez un parfumeur nommé René, venu de Florence avec la reine, et qui passait pour un empoisonneur public; tout cela fit croire qu'elle était morte de poison. On dit même que ce René se vanta de son crime, et osa dire qu'il en préparait autant à deux grands seigneurs qui ne s'en doutaient pas. Mézeray, dans sa grande histoire, semble favoriser cette opinion, en disant que les chirurgiens qui ouvrirent le corps de la reine ne touchèrent point à la tête, où l'on soupçonnait que le poison avait laissé des traces trop visibles. On n'a point voulu mettre ces soupçons dans la bouche de Henri IV, parce qu'il est juste de se défier de ces idées qui n'attribuent jamais la mort des grands à des causes naturelles. Le peuple, sans rien approfondir, regarde toujours comme coupables de la mort d'un prince ceux à qui cette mort est utile. On poussa la licence de ces soupçons jusqu'à accuser Catherine de Médicis de la mort de ses propres enfants; cependant il n'y a jamais eu de preuves ni que ces princes, ni que Jeanne d'Albret, dont il est ici question, soient morts empoisonnés.



    Il n'est pas vrai, comme le prétend Mézeray, qu'on n'ouvrit point le cerveau de la reine de Navarre; elle avait recommandé expressément qu'on visitât avec exactitude cette partie après sa mort. Elle avait été tourmentée toute sa vie de grandes douleurs de tête, accompagnées de démangeaisons, et avait ordonné qu'on cherchât soigneusement la cause de ce mal, afin qu'on pût le guérir dans ses enfants s'ils en étaient atteints. La Chronologie novennaire rapporte formellement que Caillard, son médecin, et Desnœuds, son chirurgien, disséquèrent son cerveau, qu'ils trouvèrent très-sain; qu'ils aperçurent seulement de petites bulles d'eau logées entre le crâne et la pellicule qui enveloppe le cerveau, et qu'ils jugèrent être la cause des maux de tête dont la reine s'était plainte : ils attestèrent d'ailleurs qu'elle était morte d'un abcès formé dans la poitrine. Il est à remarquer que ceux qui l'ouvrirent étaient hugue-