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Vous le savez, madame, et votre prévoyance
Étouffa dès longtemps ce mal en sa naissance.
L’orage en vos États à peine était formé ;
Vos soins l’avaient prévu, vos vertus l’ont calmé :
Vous régnez ; Londre[1] est libre, et vos lois florissantes.
Médicis a suivi des routes différentes.
Peut-être que, sensible à ces tristes récits,
Vous me demanderez quelle était Médicis ;
Vous l’apprendrez du moins d’une bouche ingénue.
Beaucoup en ont parlé ; mais peu l’ont bien connue,
Peu de son cœur profond ont sondé les replis.
Pour moi, nourri vingt ans à la cour de ses fils,
Qui vingt ans sous ses pas vis les orages naître,
J’ai trop à mes périls appris à la connaître.
« Son époux, expirant dans la fleur de ses jours,
À son ambition laissait un libre cours.
Chacun de ses enfants, nourri sous sa tutelle[2],
Devint son ennemi dès qu’il régna sans elle.
Ses mains autour du trône, avec confusion,
Semaient la jalousie et la division,
Opposant sans relâche avec trop de prudence
Les Guises[3] aux Condés, et la France à la France ;
Toujours prête à s’unir avec ses ennemis,
Et changeant d’intérêt, de rivaux, et d’amis ;
Esclave[4] des plaisirs, mais moins qu’ambitieuse ;
Infidèle[5] à sa secte, et superstitieuse[6] ;

  1. M. de Castelnau, envoyé de France auprès de la reine Elisabeth, parle ainsi d'elle :



    « Cette princesse avait toutes les plus grandes qualités requises pour régner heureusement. On pourrait dire de son règne ce qui advint au temps d'Auguste
    lorsque le temple de Janus fut fermé, etc. » (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Catherine de Médicis se brouilla avec son fils Charles IX sur la fin de la vie de ce prince, et ensuite avec Henri III. Elle avait été si ouvertement mécontente du gouvernement de François II, qu'on l'avait soupçonnée, quoique injustement, d'avoir hâté la mort de ce roi. (Id., 1730.)
  3. Dans les Mémoires de la Ligue, on trouve une lettre de Catherine de Médicis au prince de Condé, par laquelle elle le remercie d'avoir pris les armes contre la cour. (Id., 1730.)
  4. Elle fut accusée d'avoir eu des intrigues avec le vidame de Chartres, mort à la Bastille, et avec un gentilhomme breton, nommé Moscouët. (Id., 1730.)
  5. Quand elle crut la bataille de Dreux perdue, et les protestants vainqueurs : « Eh bien, dit-elle, nous prierons Dieu en français. » (Id., 1730.)
  6. Elle était assez faible pour croire à la magie; témoin les talismans qu'on trouva après sa mort. (Id., 1730.)