Dont les grands, quels qu’ils soient, en secret sont épris,
Mais que le vrai héros regarde avec mépris.
Il parle ; sa franchise est sa seule éloquence :
Il expose en secret les besoins de la France ;
Et jusqu’à la prière humiliant son cœur,
Dans ses soumissions découvre sa grandeur.
« Quoi ! vous servez Valois ! dit la reine surprise :
C’est lui qui vous envoie au bord de la Tamise ?
Quoi ! de ses ennemis devenu protecteur,
Henri vient me prier pour son persécuteur !
Des rives du couchant aux portes de l’aurore,
De vos longs différends l’univers parle encore ;
Et je vous vois armer en faveur de Valois
Ce bras, ce même bras qu’il a craint tant de fois !
Ses malheurs, lui dit-il, ont étouffé nos haines ;
Valois était esclave ; il brise enfin ses chaînes.
Plus heureux si, toujours assuré de ma foi,
Il n’eût cherché d’appui que son courage et moi !
Mais il employa trop l’artifice et la feinte ;
Il fut mon ennemi par faiblesse et par crainte.
J’oublie enfin sa faute, en voyant son danger ;
Je l’ai vaincu, madame, et je vais le venger.
Vous pouvez, grande reine, en cette juste guerre,
Signaler à jamais le nom de l’Angleterre,
Couronner vos vertus en défendant nos droits,
Et venger avec moi la querelle des rois. »
Élisabeth alors avec impatience
Demande le récit des troubles de la France,
Veut savoir quels ressorts et quel enchaînement[1]
Ont produit dans Paris un si grand changement.
Déjà, dit-elle au roi, la prompte Renommée
De ces revers sanglants m’a souvent informée ;
Mais sa bouche, indiscrète en sa légèreté,
Prodigue le mensonge avec la vérité :
J’ai rejeté toujours ses récits peu fidèles.
Vous donc, témoin fameux de ces longues querelles,
Vous, toujours de Valois le vainqueur ou l’appui,
- ↑ Imitation de Racine (Esther, acte Ier, scène Ire) :
Par quels secrets ressorts, par quel enchaînement
Le ciel a-t-il conduit ce grand événement?