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Triomphé des ligueurs, et surtout de vous-même ;
Lorsqu’en un siège horrible, et célèbre à jamais,
Tout un peuple étonné vivra de vos bienfaits,
Ces temps de vos États finiront les misères ;
Vous lèverez les yeux vers le Dieu de vos pères ;
Vous verrez qu’un cœur droit peut espérer en lui.
Allez : qui lui ressemble est sûr de son appui. »
Chaque mot qu’il disait était un trait de flamme
Qui pénétrait Henri jusqu’au fond de son âme.
Il se crut transporté dans ces temps bienheureux
Où le Dieu des humains conversait avec eux,
Où la simple vertu, prodiguant les miracles,
Commandait à des rois, et rendait des oracles.
Il quitte avec regret ce vieillard vertueux
Des pleurs, en l’embrassant, coulèrent de ses yeux ;
Et, dès ce moment même, il entrevit l’aurore
De ce jour qui pour lui ne brillait pas encore.
Mornay parut surpris, et ne fut point touché :
Dieu, maître de ses dons, de lui s’était caché.
Vainement sur la terre il eut le nom de sage,
Au milieu des vertus l’erreur fut son partage.
Tandis que le vieillard, instruit par le Seigneur,
Entretenait le prince, et parlait à son cœur,
Les vents impétueux à sa voix s’apaisèrent,
Le soleil reparut, les ondes se calmèrent.
Bientôt jusqu’au rivage il conduisit Bourbon :
Le héros part, et vole aux plaines d’Albion.
En voyant l’Angleterre, en secret il admire
Le changement heureux de ce puissant empire,
Où l’éternel abus de tant de sages lois
Fit longtemps le malheur et du peuple et des rois.
Sur ce sanglant théâtre où cent héros périrent,
Sur ce trône glissant d’où cent rois descendirent,
Une femme, à ses pieds, enchaînant les destins,
De l’éclat de son règne étonnait les humains :
C’était Élisabeth ; elle dont la prudence
De l’Europe à son choix fit pencher la balance,
Et fit aimer son joug à l’Anglais indompté,