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VARIANTES DU TEMPLE DU GOUT. o^J

Transportez le Piiule h Cytlièrc : Bi-assac', chantez; gravez, (;aylii.s- : ]\e craignez point, jeune Surgère-', D'employer des soins assidus Aux beaux vers que vous savez faiie; Et que tous les sots confondus, A la cour et sur la frontière, Désormais ne prétendent plus Qu'on diTOgo et qu'on dégénère En suivant Minerve et Phcbus. »

Dans une des premières éditions on lisait :

« Se reposent dans le silence. Brassac, sois toujours mon soutien; Sous tes doigts j'accordai ta lyre : De l'amour tu chantes l'empire, Et tu composes dans le mien. Caylus, tous les arts te chérissonl '•; Je conduis tes brillants dessins, Et les Raphacls s'applaudissent

��1. M. lo chevalier de Brassac uoii-suulemont a le talent très-rare de faire la musique d'un opéra, mais il a le courage de le faire jouer et de donner cet exemple à la jeune noblesse française. 11 y a déjà longtemps que les Ilaliens, qui ont été nos maîtres en tout, ne rougis- sent pas de donner leurs ouvrages au public. Le n)arquis Maffei vient do rétablir la gloire du théâtre italien; le baron d'.Vstorga et le prélat qui est aujourd'hui archevêque de Pise ont fait plusieurs opéras fort estimés. {Xole de Voltaire, n.'3.3.) — L'opéra de Brassac était intitulé le Triomphe de l'Amour, et fut représenté sans succès le 14 avril n33. Les paroles étaient do Moncrif. On croit que Brassac n'y a fait que deux ou trois airs, et que le reste de la mu- sique est do Rebel fils, uiaîtrc d'orchestre, et de Francœur cadet, violon à l'Opéra. Aussi disait- on que l'ouvrage était des quatre fils Aymon. (B.)

2. M. le comte de Caylus est célèbre par son goût pour les arts, et parla faveur qu'il donne à tous les bons artistes; il grave lui-même et met une expression singulière dans ses dessins. Les cabinets des curieux sont pleins do ses estampes. M. de Saint- Maurice, officier des gardes, grave aussi, et se sert avec avantage du burin : il a fait une estampe d'après Le Main, qui est un chef-d'œuvre. {Noie de Voltaire, l'733.)

3. M. de La Rochefoucauld, marquis de Surgères, a fait une comédie intitulée l'Ecole du monde. Cette pièce est sans contredit bien écrite et pleine de traits que le célèbre duc de La Rochefoucauld, auteur des .)/«x('we.s-, aurait approuves. (/('/., 1733.) — Son Voyaje à Surycres (en prose et en vers) a été imprimé dans un volume de Lettres inédites publié par Sorieys, 180'2, in-80.

4. Ce fut M. de Caylus qui demanda la suppression des quatre vers qui le concernent. (B.) Lo résultat fut autre que ne l'avait attendu le poète : au liuu de faire plaisir, l'éloge

déplut. M. de Caylus, parlicuhèremcnt, laissa voir son chagrin, que la malveillance exagéra au point de lui prêter une épigrammc où on lui faisait -envoyer un louis à Voltaire pour le payer de sa peine et n'être pas forcé de dire du bien de son Temple. Rien n'était moins dans le caractère de Caylus. L'auteur, à qui cependant il ne cacha point sa pensée, tout en s'eiTor- jant de ne pas le Ijlcsser, offrit à cet ombrageux de mettre un carton à l'édition d'Amsterdam. « Je préfère le plaisir de vous obéir à celui que j'avais de vous louer. Je n'ai pas cru qu'une louange si juste pût vous offenser. Vos ouvrages sont publics; ils honorent les cabinets des curieux. » Tout cela pouvait être vrai ; mais le comte ne fut sensible qu'à cette promesse de suppression. Il finissait sa réponse à la lettre de Voltaire par cette phrase qui fait sourire, mais qui dut faire plisser la lèvre à l'auteur du Temple du Goût : « Je vous remircic encore une fois de votre politesse; vous y mettrez le comble si je ne me trouve point dans votre nouvelle édition. » Cette anecdote est tout un trait de mœurs. La publicité était le fait des lettrés et des artistes de profession qu'elle mettait à leur place ; un honnête homme pouvait bien rimer quelques vers, même les montrer aux gens; mais il jouait sa considération tt faisait incontestablement acte de mauvais goût en cherchant plus qu'un succès de salon et d'intimes, et en donnant au public le pouvoir et lo droit de le juger et do le siffler. Les choses ont bien changé depuis. (G. D.)

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