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VAIIIA-NTES DU TE.MPLH DU GOUT. 597

au\ oinbellisscincnts nécessaires de sa Ciipihilc les trésors ensevelis dans Versailles, et prodigués pour forcer la nature. Si j'avais vécu plus longtemps, Paris aurait pu surpasser Rome en magnificence et en bon goût, comme il la surpasse en grandeur : ceux (jui viendront après moi feront ce que j'ai seulement inuiginé. Alors le royaume sera rempli des monuments de tous les beaux-arts. Déjii les grands chemins qui conduisent à la capitale sont des promenades délicieuses, ombragées de grands arbres l'espace de plu- sieurs milles, et ornées même de fontaines ' et de statues. Un jour vous n'aurez plus de temples gothiques; les salles ^ de vos spectacles seront dignes des ouvrages immortels qu'on y représente ; de nouvelles places, et des marchés publics construits sous des colonnades, décoreront Paris comme l'ancienne Rome; les eaux seront distribuées dans toutes les mai- sons connue ii Londres; les inscriptions de Santeul ne seront plus la seule chose que l'on admirera dans vos fontaines ; la sculpture étalera partout ses beautL's ^ durables, et annoncera aux étrangers la gloire de la nation, le bonheur du peuple, la sagesse et le goût de ses conducteurs. » Ainsi parlait ce grand ministre.

Qui n'aurait a|)i»laudi? (juel cœur français n'eût été ému à de tels dis- cours ? On finit par donner do justes éloges et par souhaiter un succès heureux aux grands desseins que le magistrat de la ville de Paris a for- més pour la décoration de cette capitale.

Enfin, après une conversation utile, dans laquelle on louait avec justice ce que nous avons, et dans laquelle on regrettait, avec non moins de jus- tice, ce que nous n'avons pas, il fallut se séparer. J'entendis le dieu qui disait à ses deux amis, en les embiassant :

« Adieu, mes plus clicrs favoris. Par qui ma gloire est 6la!)lic; Tant que vous sorc.^ dans Paris, Je n'ai pas j)Cui' que l'on m'oujjlie :

��1. Sur le chemin do Juvisj' on a élevé (ieux fontaines dont l'eau retombe dans de grands bassins : des deux côtés du chemin sont deux morceaux de sculpture ; l'un est de Coustou, et est fort estimé : il est triste que son ouvrage ne soit pas de marbre, mais seulement de pierre. (\olc de VoUaire, 173:}.)

2. Les salles de tous les spectacles de Paris sont sans magnificence, sans goût, sans com- modités, ingrates pour la voix, incommodes pour les acteurs et jiour les spectateurs : ce n'est qu'en France qu'on a l'importinente coutume de faire tenir debout la plus grande partie da l'auditoire. (Ici., 1733.)

3. C'était en eiïot le dessein de ce grand homme. Un de ses projets était de faire une grande place de l'hôtel de Soissons ; on aurait creusé au milieu de la place un vaste bassin qu'on aurait rempli des eaux qu'il devait faire venir par de nouveaux aqueducs. Du milieu de ce bassin, entouré d'une balustrade de marbre, devait s'élever un rocher sur lequel quatre fleuves de marbre auraient répandu l'eau, qui eût retombé en nappe dans le bassin, et qui de là se serait distribuée dans les maisons des citoyens. Le marbre destiné à cet incomparable monu- ment était acheté; mais co dessein fut oublié avec M. Colbert, qui mourut trop tôt pour la Franco, (/d., 1733.)

4. M. Turgot, président au parlement, prévôt des marchan'is, qui a déjà embelli cette capitale, a fait marché avec des entrepreneurs pour agrandir le quai derrière le Palais, le continuer jusqu'au pont de l'île, et joindre l'île au reste de la ville par un beau pont de pierre : il n'y a point de citoyen dans Paris qui ne doive s'empresser à contribuer de tout son pouvoir à l'exécution de pareils desseins, qui servent à notre commodité, à nos plaisirs, et à notre gloire. [Id., 1733.)

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