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LE TEMPLE DU GOUT. 575

La mort, l'afTi-ouse mort fut sourde à ma prière.

Ail! puis(]ue le destin nous voulait séparer,

C'était à toi de vivre, à moi seul d'expirer.

Hélas ! depuis le jour où j'ouvris la pauj)ière,

Le ciel pour mon partage a choisi les douleurs;

Il sème do chagrins ma p.Miiblo carrière :

La tienne était brillante, et couverte de feurs.

Dans le sein des plaisirs, des aits, et des honneurs,

Tu cultivais en paix les fruits de ta sagesse ;

Ma vertu n'était point l'effet de ta faiblesse;

Je ne te vis jamais offusquer ta raison

Du bandeau de l'exemple et de l'opinion.

L'homme est né pour l'erreur: on voit la molle argile

Sous la main du ])Otier moins souple et moins docile

Que l'àme n'est flexible aux préjugés divers.

Précepteurs ignorants de ce faible univers.

Tu bravas leur empire, et tu ne sus te rendre

Qu'aux paisibles douceurs de la pure amitié;

lit dans toi la nature avait associé

A l'esprit le plus ferme un cœur facile et tendre. »

Parmi ces gens d'esprit nous trouvcinies quelques jésuites. Un janséniste dira ([ue les jésuites se fourrent partout; mais le dieu du Goût reçoit aussi leurs ennemis, et il est assez plaisant de voir dans ce temple Bourdaloue qui s'entretient avec Pascal sur le grand art de joindre l'éloquence au raisonnement. Le père Bouliours est derrière eux, marquant sur des tablettes toutes les fautes de langage et toutes les négligences qui leur échappent.

Le cardinal ne put s'empêcher de dire au père Bouliours :

« Quittez d'un censeur pointilleux La pédantesque diligence; Aimons jusqu'aux défauts heureux De leur mâle et libre éloquence : J'aime mieux errer avec eux Que d'aller, censeur scrupuleux. Peser des mots dans ma balance. »

Cela fut dit avec beaucoup plus de politesse que je ne le rap- porte ; mais nous autres poètes, nous sommes souvent très-impolis, pour la commodité de la rime.

Je ne m'arrêtai pas dans ce temple à voir les seuls beaux esprits.

Vers enchanteurs, exacte prose, Je ne me borne point à vous ;

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