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40 IDÉE DE LA IIENIUADE.

VU dans sa jeunossc des vieillards qui avaient connu les héros de cette guerre. Ce qui doit même plaire davantage dans Homère, c'est que le fond de son ouvrage n'est point un roman, que les caractères ne sont point de son imagination, qu'il a peint les hommes tels qu'ils étaient, avec leurs honnes et mauvaises qualités, et que son livre est un monument des mœurs de ces temps reculés.

La Henriade est composée de deux parties; d'événements réels dont on vient de rendre compte, et de fictions. Ces fictions sont toutes puisées dans le système du merveilleux, telles que la pré- diction de la conversion de Henri IV, la protechon que lui donne saint Louis, son apparition, le feu du ciel détruisant ces opéra- tions magiques qui étaient alors si communes, etc. Les autres sont purement allégoriques : de ce nombre sont le voyage de la Discorde à Rome, la Politique, le Fanatisme, personnifiés, le temple de l'Amour, enfin les Passions et les Vices,

Prenant un corps, une àme, un esprit, un visage*.

Que, si l'on a donné dans quelques endroits à ces passions personnifiées les mômes attributs que leur donnaient les païens, c'est que ces attributs allégoriques sont trop connus pour être changés. L'Amour a des flèches, la Justice a une balance dans nos ouvrages les plus chrétiens, dans nos tableaux, dans nos tapisseries, sans que ces représentations aient la moindre teinture de paganisme. Le mot d'Amphitrite, dans notre poésie, ne signifie que la mer, et non l'épouse de Neptune. Les champs de Mars ne veulent dire que la guerre, etc. S'il est quelqu'un d'un avis con- traire, il faut le renvoyer encore à ce grand maître, M. Despréaux, qui dit :

C'est d'un scrupule vain s'alarmer sottement,

C'est vouloir au lecteur plaire sans agrément.

Bientôt ils défendront de peindre la Prudence,

De donner à Tliémis ni bandeau ni balance,

De figurer aux yeux la Guerre au front d'airain.

Ou le Temps qui s'enfuit, une horloge à la main ;

Et partout des discours, comme une idolâtrie,

Dans leur faux zèle iront chasser l'allégorie-.

Ayant rendu compte de ce que contient cet ouvrage, on croit

1. Doileau, Art jwrtique, chant 111, vers 10 i. ti. Art poétique, chant III, vers 225 et suiv.

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