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560 LE TEMPLE DU GOUT.

L'oreille heureuse et fine en sent la différence. Sur le ton des Fran^-ais il faut chanter en France. Au\ lois de noire poùt Lulli sut se ranger; Il embellit notre art. au lieu de le changer. »

A CCS paroles judicieuses, mon homme répondit en secouant la tête. « Venez, venez, dit-il ; on va vous donner du neuf. » Il lalliit entrer, et voilà son concert qui commence.

Du grand Lulli vingt rivaux fanatiques, Plus enncHiis de l'art et du bon sens, Défiguraient sur des tons glapissants Des vers français en fredons italiques. Une bégueule en lorgnant se pâmait; Et certain fat, ivre de sa parure, En se mirant chevrotait, fredonnait. Et, de l'index battant faux la mesure, Criait bravo lorsque l'on délonnait.

Nous sortîmes au plus vite : ce ne fut qu'au travers de bien des aventures pareilles que nous arrivâmes enfin au Temple du

Goût.

Jadis en Grèce on en posa

Le fondement ferme et durable,

l*uis jusqu'au cie! on exhaussa

Le faîte de ce temple aimable :

L'univers entier l'encensa.

Le Romain, longtemps intraitable,

Dans ce séjour s'apprivoisa;

Le musulman, plus implacable.

Conquit le temple, et le rasa ^

En Italie on ramassa

Tous les débris que rinfidéle

Avec fureur en dispersa.

Bientôt François Premier osa

En bâtir un sur ce modèle ;

Sa postérité méprisa

Cette architecture si belle.

Richelieu vint, qui répara Le temple abandonné par elle. Louis le Grand le décora :

��1. Quand Mahomet II prit Constantuiopln en 1 i*j3, tous les Grecs qui cultivaient les arts se n'fugièrcnt eu ItaUe. Ils y furent piinripaicmenl accueillis par les mai- Bons de Médicis, d'Esté et de Bentivoglio, à qui l'Italie doit sa politesse et sa gloire. {Note de Voltaire, 1733.)

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