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LE TEMPLE DU GOUT. oi?

Vous dont l'esprit si délicat, si sage, Vous dont rexem])le a daigné me montrer Par (juels cliemins on peut sans s'égarer Chercher ce goût, ce dieu que dans cet âge Maints beaux esprits font gloire d'ignorer.

Nous ronconfràines en cliemin Lien des ol)stacles. D'abord nous trouvâmes MM. Baldus, Scioppius, Lexicocrassus, Scri- blerius; une nuée de commentateurs qui restituaient des pas- sages, et qui compilaient de gros volumes à propos d'un mot qu'ils n'entendaient pas.

Là j'aperçus les Dacier, les Saumaises ',

Gens iiérissés de savantes fadaises,

Le teint jauni, les yeux rouges et secs,

Le dos courbé sous un tas d'auteurs grecs,

Tout noircis d'encre, et coiffés de poussière.

Je leur criai de loin par la portière :

« N'allez-vous pas dans le Temple du Goût

Vous décrasser? — Nous, messieurs? point du tout;

Ce n'est pas là. grâce au ciel, notre étude :

Le goût n'est rien ; nous avons l'habitude

De rédiger au long de point en point

Ce qu'on pensa; mais nous ne pensons point. »

Après cet aveu ingénu, ces messieurs voulurent absolument

1. Dacior avait une litt(Ji"aturc fort grande : il connaissait tout des anciens, hors la grâce et la finisse : ses commentaires ont jiartout de l'érudition, et jamais de goût; il traduit grossièrement les délicatesses d'Horace.

Si Horace il, 5) dit à sa maîtresse :

Miseri, quibus Intentata nites !

Dacier dit : « Malheureux ceux qui se laissent attirer par cette bonace, sans vous connaître! » Il traduit

Nunc est bibendum, iiunc pedc libero Pulsanda tellus (I, 37),

« C'est à présent qu'il faut boire, et que sans rien craindre il faut danser do toute

sa force ; »

Mox juniores quierit adultères (III, 6),

« l'allés ne sont pas plutôt mariées qu'elles cherchent de nouveaux galants. » Mais quoiqu'il défigure Horace, et que ses notes soient d'un savant pou spirituel, son livre est plein de recherches utiles, et on loue son tru\ail en voyant son peu de génie. {Note de Voltaire, 1733.)

Saumaise est un auteur savant qu'on ne lit plus guère. Il commence ainsi sa défense du roi d'Angleterre Charles I" : «Anglais, qui vous renvoyez les tûtes des rois comme des balles de paume, qui jouez à la boule avec des couronnes, et qui vous servez de sceptres comme de tnarottes. •> {Id., 1742.)

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