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r,54 LETTHE A M. CIDEVILLE.

la terreur qui doit animer le théâtre : pour peu que chacun d'eux eût voulu dire ce qu'il sait, cela aurait fait un gros in-folio. Mais on s'est contenté de mettre en général les sentiments du public dans un petit écrit sans conséquence, et je me suis chargé uni- quement de tenir la plume.

Il me reste à dire un mot sur notre jeune noblesse, qui emploie l'heureux loisir de la paix à cultiver les lettres et les arts; bien dilierente en cela des augustes Visigoths, leurs ancêtres, qui ne savaient pas signer leurs noms. S'il y a encore dans notre nation si polie quelques barbares et quelques mauvais plaisants qui osent désapprouver des occupations si estimables, on peut assurer qu'ils en feraient autant s'ils le pouvaient. Je suis trôs- persuadé que quand un homme ne cultive point un talent, c'est qu'il ne l'a pas ; qu'il n'y a personne qui ne fît des vers s'il était né poëte, et de la musique s'il était né musicien.

Il faut seulement ([ue les graves critiques, aux yeux desquels il n'y a d'amusement honorable dans le monde que le lansquenet et le biribi, sachent que les courtisans do Louis XIV, au retour de la conquête de Hollande, en 1672, dansèrent à Paris sur le théâtre de Lulli, dans le jeu de paume de Belleaire, avec les danseurs de l'Opéra, et que l'on n'osa pas en murmurer. A plus forte raison doit-on' je crois, pardonner à la jeunesse d'avoir eu de l'esprit dans un âge où l'on ne connaissait que la débauche.

Omiie lulit punctum qui miscuit utile dulci *. Je suis, etc.

1. Horace, de Arte poetica, vers 343.

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