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34 ÉVÉNEMENTS SUR LESQUELS

une extrême jeunesse chef du parti réformé, dans le sein duquel il était né, fut attiré à la cour avec les plus puissants seigneurs du parti. On le maria à la princesse Marguerite, sœur de Charles 1\. Ce fut au milieu des réjouissances de ces noces, au milieu de la paix la plus profonde, et après les serments les plus solennels, que Catherine de lAIédicis ordonna ces massacres dont il faut perpétuer la mémoire (tout afl'reuse et toute flétrissante qu'elle est pour le nom français), afin que les hommes toujours prêts à entrer dans de malheureuses querelles de religion voient à quel excès l'esprit de parti peut enfin conduire.

On vit donc, dans une cour qui se piquait de politesse, une femme célèhre par les agréments de l'esprit, et un jeune roi de vingt-trois ans, ordonner de sang-froid la mort de plus d'un million de leurs sujets. Cette même nation, qui ne pense aujour- d'hui à ce crime qu'en frissonnant, le commit avec transport et avec zèle. Plus de cent mille hommes furent assassinés par leurs compatriotes; et, sans les sages précautions de quelques person- nages vertueux, comme le président Jeannin, le marquis de Saint- Herem, etc., la moitié des Français égorgeait l'autre.

Charles IX ne vécut pas longtemps après la Saint-Barthélémy. Son frère Henri III quitta le trône de la Pologne pour venir replonger la France dans de nouveaux malheurs, dont elle ne fut tirée que par Henri IV, si justement surnommé le Grand par la postérité, qui seule peut donner ce titre.

Henri III, en revenant en France, y trouva deux partis domi- nants : l'un était celui des réformés, renaissant de sa cendre, plus violent que jamais, et ayant à sa tête le même Henri le Grand, alors roi de Navarre ; l'autre était celui de la Ligue, faction puis- sante, formée peu à peu par les princes de Guise, encouragée par les papes, fomentée par l'Espagne, s'accroissant tous les jours par l'artifice des moines, consacrée en apparence par le zèle de la religion catholique, mais ne tendant qu'à la réhellion. Son chef était le duc de Guise, surnommé le Balafré, prince d'une réputation éclatante, et qui, ayant plus de grandes qualités que de bonnes, semblait né pour changer la face de l'État dans ce temps de troubles,

Henri III, au lieu d'accabler ces deux partis sous le poids de l'autorité royale, les fortifia par sa faiblesse ; il crut faire un grand coup de politique en se déchu-ant chef de la Ligue, mais il n'en fut que l'esclave. H fut forcé de faire la guerre pour les intérêts du duc de Guise, qui le voulait détrôner; contre le roi de Navarre, son beau-frère, son héritier présomptif, qui ne pensait qu'à réîa-

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