Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/488

Cette page n’a pas encore été corrigée

470 NOTE DE M. MORZA

société. S'il fait des fautes, comme tous les hommes en font, il s'en rcpcnt, et il se corrige. S'il a écrit librement dans sa jeu- nesse, comme Platon, il cultive la sagesse comme lui dans un ftge avancé; il niourt en pardonnant à ses ennemis, et en implo- rant la miséricorde de Tl^trc suprême.

Qu'il soit du sentiment de Leibnitz sur les monades et sur les indiscernables, ou du sentiment de ses adversaires ; qu'il admette les idées innées, avec Descartes, ou qu'il voie tout dans le Verbe, avec Malebranche ; qu'il croie au plein, qu'il croie au vide, ces innocentes spéculations exercent son esprit, et ne peuvent nuire en aucun temps à aucun homme. Mais plus il est éclairé, plus les esprits contentieux et absurdes redoutent son mépris ; et voilà la source secrète et véritable de cette persécution qu'on a suscitée quelquefois aux plus pacifiques et aux plus estimables des mor- tels. Voilà pourquoi les factieux, les enthousiastes, les fourbes, les pédants orgueilleux, ont si souvent étourdi le monde de leurs clameurs ; ils ont frappé à toutes les portes ; ils ont pénétré chez les personnes les plus respectables ; ils les ont séduites, ils ont animé la vertu même contre la vertu ; et un sage a été quelque- fois tout étonné d'avoir persécuté un sage.

Quand l'évêque irlandais Berkeley se fut trompé sur le calcul différentiel, et que le célèbre Jurin eut confondu son erreur, Berkeley écrivit que les géomètres n'étaient pas chrétiens ; quand Descartes eut trouvé de nouvelles preuves de l'existence de Dieu, Descartes fut accusé juridiquement d'athéisme ; dès que ce même philosophe eut adopté les idées innées, nos théologiens l'anathé- matisèrent pour s'être écarté de l'opinion d'Aristote et de l'axiome de l'école que rien n'est dans l'entendement qui nait été dans les sens. Cinquante ans après, la mode changea ; ils traitèrent de matérialistes ceux qui revinrent à l'ancienne opinion d'Aristote et de l'école.

A peine Loi])nitz eut-il proposé son système, rédigé depuis dans la Thèodicce, que mille voix crièrent qu'il introduisait le fatalisme, qu'il renversait la créance de la chute de l'homme, qu'il détniisait les fondements do la religion chrétienne. D'autres philosophes ont-ils combattu le système de Leibnitz, on leur a dit : Vous insultez la Providence.

Lorsque milord Sliaftesbury assura que l'homme était né avec l'instinct de la bienveillance pour ses semblal)les, on lui imputa de nier le péché originel. D'autres ' ont-ils écrit que l'homme est

1. François, duc de La Rochefoucauld, auteur des Maximes, (B.)

�� �