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SUR L'ODE PRÉCÉDENTE. 469

Ces valets de libraires, gens de la lie du peuple et la lie des auteurs, les derniers des écrivains inutiles, et par conséquent les derniers des hommes, sont ceux qui ont attaqué le roi, l'État, et l'Église, dans leurs feuilles scandaleuses écrites en faveur des convulsionnaires. Ils fabriquent leurs impostures, comme les filous commettent leurs larcins, dans les ténèbres de la nuit, changeant continuellement de nom et de demeure, associés à des receleurs, fuyant à tout moment la justice, et, pour comble d'horreur, se couvrant du manteau delà religion, et, pour comble de ridicule, se persuadant qu'ils lui rendent service.

Ces deux partis, le janséniste et le moliniste, si fameux long- temps dans Paris, et si dédaignés dans l'Europe, fournissent des deux côtés les plumes vénales dont le public est si fatigué ; ces champions de la folie, que l'exemple des sages et les soins pater- nels du souverain n'ont pu réprimer, s'acharnent l'un contre l'autre avec toute l'absurdité de nos siècles de barbarie, et tout le raffinement d'un temps également éclairé dans la vertu et dans le crime ; et, après s'être ainsi déchirés, ils se jettent sur les philo- sophes : ils attaquent la raison, comme des brigands réunis volent un honnête homme pour partager ses dépouilles.

Qu'on me montre dans l'histoire du monde entier un philo- sophe qui ait ainsi troublé la paix de sa patrie : en est-il un seul, depuis Confucius jusqu'à nos jours, qui ait été coupable, je ne dis pas de cette rage de parti et de ces excès monstrueux, mais de la moindre cabale contre les puissances, soit séculières, soit ecclé- siastiques? Non, il n'y en eut jamais, et il n'y en aura jamais. Un philosophe fait son premier devoir d'aimer son prince et sa pati'ie; il est attaché à sa religion, sans s'élever outrageusement contre celles des autres peuples ; il gémit de ces disputes insen- sées et fatales qui ont coûté autrefois tant de sang, et qui excitent aujourd'hui tant de haines. Le fanatique allume la discorde, et le philosophe l'éteint. Il étudie en paix la nature; il paye gaiement les contributions nécessaires à l'État ; il regarde ses maîtres comme les députés de Dieu sur la terre, et ses concitoyens comme ses frères : bon mari, bon père, bon maître, il cultive l'amitié; il sait que, si l'amitié est un besoin de l'âme, c'est le plus noble besoin des âmes les plus belles, que c'est un contrat entre les cœurs, contrat plus sacré que s'il était écrit, et qui nous impose les obligations les plus chères : il est persuadé que les méchants ne peuvent aimer.

Ainsi le philosophe, fidèle à tous ses devoirs, se repose sur l'innocence de sa vie. S'il est pauvre, il rend la pauvreté respec- table ; s'il est riche, il fait de ses richesses un usage utile à la

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