Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

AVANT-PUOI'OS DU ROI DE PRUSSE. 27

-iir l'autel, et dont ils égorgent iniiiiloyaldeiuenl leurs frères : en un mot, le liien et le r(>[)OS de la société font le principal but de ce poëmo, et c'est |i(iurquoi l'auteur avertit si souvent d'éviter dans cette route l'écueil dange- l'cux du fanatisme et du faux zèle.

11 paraît cependant, pour le bien de rimmanilé, que la mode des guerres (1(> religion est finie, et ce serait assurément une folie de moins dans le monde; mais j'ose dire que nous en sommes en partie redevables à l'esprit |ihilosophi(|ue, qui prend depuis quelques années beaucoup le dessus en lÙHOpe. Plus on est éclairé, moins on est superstitieux. Le siècle où vivait ilenri IV était bien ditférent : l'ignorance monacale, qui surpassait toute imagination, et la barbarie des hommes, qui ne connaissaient pour toute (i(cu|)ation que d'aller à la chasse et de s'entre-tuer, donnaient de l'accès ,iu\ erreurs les plus palpables. Catherine de Médicis et les princes factieux (louvaient donc alors abuser d'autant plus facilement de la crédulité des peuples, puisque ces peuples étaient grossiers, aveugles, et ignorants.

Les siècles polis qui ont vu fleurir les sciences n'ont point dexemples à nous présenter de guerres de religion, ni de guerres séditieuses. Dans les beaux temps de l'empire romain, je veux dire vers la fin du règne d'Auguste, tout l'empire, qui composait prestjue les deux tiers du monde, était tran- (juille et sans agitation; les hommes abandonnaient les intérêts de la religion à ceux dont l'emploi était d'y vaquer, et ils préféraient le repos, les plaisirs, et l'étude, à l'ambitieuse rage de s'égorger les uns les autres, soit pour des mots, soit pour l'intérêt, ou pour une funeste gloire.

Le siècle de Louis le Grand, qui peut-être égale, sans flatterie, celui d'Auguste, nous fournit de même un exemple d'un règne heureux et tran- ([uille pour l'intérieur du royaume, mais qui malheureusement fut troublé vers la fin par l'ascendant que le P. Le Tellier prenait sur l'esprit de Louis XIV, qui commençait à baisser; mais c'est la faute proprement d'un particulier, et l'on n'en saurait charger ce siècle, d'ailleurs si fécond en grands hommes, que par une injustice manifeste.

Les sciences ont ainsi toujours contribué à humaniser les hommes, en les rendant plus doux, plus justes, et moins portés aux violences; elles ont pour le moins autant de part que les lois au bien de la société et au bonheur des peuples. Cette façon de penser aimable et douce se communique insen- siblement de ceux qui cultivent les arts et les sciences au public et au vulgaire; elle passe de la cour à la ville, et de la ville à la province: on voit alors avec évidence que la nature ne nous forma point assurément pour que nous nous exterminions dans ce monde, mais pour que nous nous assis- tions dans nos communs besoins; que le malheur, les infirmités, et la mort, nous poursuivent sans cesse, et que c'est une démence extrême de multi- plier les causes de nos misères et de notre destruction. On reconnaît, indé- pendamment de la différence des conditions, l'égalité que la nature a mise entre nous, la nécessité qu'il y a de vivre unis et en paix, de quelque nation et de quelque opinion que nous soyons; que l'amitié et la compassion sont des devoirs universels : en un mot, la réflexion corrige en nous tous les défauts du tempérament.

�� �