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\i-i%] POÈME DE FONTENOY. 387

Échappe en ce carnage à ta main sanguinaire. Guerchy ^ n'est point frappé-: la vertu peut te plaire. Mais vous, brave d'Aché^ quel sera votre sort? Le ciel sauve à son gré, donne et suspend la mort.

Infortuné Lutteaux, tout chargé de blessures, L'art qui veille à ta vie ajoute à tes tortures ; Tu meurs dans les tourments : nos cris mal entendus Te demandent au ciel, et déjà tu n'es plus,

combien de vertus que la tombe dévore ! Combien de jours brillants éclipsés à l'aurore! Que nos lauriers sanglants doivent coûter de pleurs! Ils tombent ces héros, ils tombent ces vengeurs ; Ils meurent, et nos jours sont heureux et tranquilles : La molle volupté, le luxe de nos villes. Filent ces jours sereins, ces jours que nous devons Au sang de nos guerriers, aux périls des Bourbons! Couvrons du moins de fleurs ces tombes glorieuses ; Arrachons à l'oubli ces ombres vertueuses. Vous* qui lanciez la foudre et qu'ont frappé ses coups. Revivez dans nos chants quand vous mourez pour nous.

��1. Régnier de Guerchy, d'une ancienne famille de Bourgogne, et dont un des ancêtres avait été tue à la Saint-Barthéleniy (voyez la Henriade, chant II, vers 275), fut fait colonel du régiment du roi après la bataille. Il le commanda pendant la guerre dernière, et se signala surtout à la retraite de Crcvelt, où il sauva l'hôpital des blessés, et à celle de Mindon. Sa valeur, une humanité dans la guerre rare même dans ce siècle, son amour de l'ordre et de la discipline, une probité égale- ment incorruptible dans les armées, à la cour et dans les affaires, le soin qu'il prenait de former dans son régiment des sujets utiles à la patrie, soit dans la carrière politique, soit dans l'état militaire, enfin la réunion de toutes les qua- lités d'un brave officier, d'un honnête homme et d'un bon citoyen, ont vérifie ce jugement de M. de Voltaire, qui ne pouvait être alors qu'une espèce de prophétie. Il fut nommé ambassadeur d'Angleterre après la dernière paix.

Nous nous sommes fait un devoir de rendre ici justice à la mémoire de M. le comte de Guerchy, parce qu'il a été calomnié à la fin de sa vie, et depuis sa mort, par un de ces êtres vils qui, à force d'impudence et de méchanceté, parviennent quelquefois à se donner une existence, et acquièrent par leurs excès mêmes une sorte de célébrité, honteuse il est vrai, mais qui peut en imposer à la multitude. (K.) — Les noms de baptême du comte de Guerchy étaient Claude-Louis-François. Il était, en 1763, ambassadeur en Angleterre, et eut des discussions avec Treyssac de Vergy. C'est probablement ce Treyssac de Vergy que désignent les mots un de ces êtres vils. (B.)

2. Tous les officiers de son régiment (Royal-dos-Vaisscaux) hors de combat; lui seul ne fut point blessé. (Note de Voltaire.)

3. M. d'Aclié (on l'écrit d'Apcher ), lieutenant général. — M. de Lutteaux, lieute- nant général, mort dans les opérations du traitement de ses blessures. (Id.)

4. M. du Brocard, maréchal de camp, commandant l'artillerie, {kl.)

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