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I(i l'RKFACE DE I\I. DE MARMONTEL.

Cette édition, qui fut laite par souscription, a servi de prétexte ii mille calomnies contre l'auteur. Il a dédaigné d'y répondre; mais il a remis dans la Bibliothèque du roi, c'est-à-dire sous les yeux du public et de la posté- rité, des preuves authentiques de la conduite généreuse qu'il tint dans cette occasion : je n'en parle (|u'après les avoir vues ^

Il serait long et inutile de compter ici toutes les éditions qui ont précédé celle-ci, dans laquelle on les trouvera réunies par le moyen des variantes.

En 1736, le roi de Prusse, alors prince royal, avait chargé M. Algarotti, (]ui était à Londres, d'y faire graver ce poëme avec des vignettes à chaque l)age. Ce prince, ami des arts, qu'il daigne cultiver, voulant laisser aux siècles à venir un monument de son estime pour les lettres, et particuliè- lemcnt pour la Jlenriade^ daigna en composer la préface-; et, se mettant ainsi au rang des auteurs, il apprit au monde qu'une plume éloquente sied bien dans la main d'un héros. Récompenser les beaux-arts est un mérite commun à un grand nombre de princes; mais les encourager par l'exemple et les éclairer par d'excellents écrits en est un d'autant plus recommandable dans le roi de Prusse, qu'il est plus rare parmi les hommes. La mort du roi son père, les guerres survenues, et le départ de M. Algarotti de Londres, interrompirent ce projet, si digne de celui qui l'avait conçu.

Comme la préface qu'il avait composée n'a pas vu le jour, j'en ai pris deux fragments qui peuvent en donner une idée, et qui doivent être regardés comme un morceau bien précieux dans la littérature ^ :

« Les difficultés, dit-il en un endroit, qu'eut à surmonter M. de Voltaire lorsqu'il composa son poème épique, sont innombrables. Il voyait contre lui les préjugés de toute l'Europe et celui de sa propre nation, qui était du sen- timent que l'épopée ne réussirait jamais en français. Il avait devant lui le triste exemple de ses prédécesseurs, qui avaient tous bronché dans cette pénible carrière. Il avait encore à combattre le respect superstitieux et exclusif du ]»euple savant pour Mrgile et pour Homère, et, plus que tout cela, une santé faible qui aurait mis tout autre homme, moins sensible que lui à la gloire de sa nation, hors d'état de travailler. C'est cependant indépendamment de tous ces obstacles que M. de A'oltaire est venu à bout de son dessein, etc. >•>

« Quant à la saine morale, dit-il ailleurs, quant à la beauté des senti- ments, on trouve dans ce poëme tout ce qu'on peut désirer. La valeur pru- dente de Henri IV, jointe à sa générosité et à son humanité, devrait servir d'exemple à tous les rois et à tous les héros, qui se piquent quelquefois mal il propos de dureté envers ceux que le destin des États et le sort de la guerre ont soumis il leur puissance. Qu'il leur soit dit, en passant, que ce n'est ni dans l'inflexibilité ni dans la tyrannie que consiste la véritable grandeur, raai.>^ bien dans ce sentiment que l'auteur exprime avec tant de noblesse :

1. Voir sa Inttre à d'Argontal (13 janvier 1739), et celio à Destouches (3 dé- cembre 174i) dans la Correspondance. (G. A.)

•2. Lorsque Marmontel imprima sa Préface, l'Avant-propos de Frédéric n'était pas encore imprimé, et ne le fut que dix ans après : voyez p. 22. (B.)

3. On peut remarquer quelques diflfcrences dans le fragment cité par MarmoiUcl et dans le texte ci-après.

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