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Consacrons-lui ces jours qu’il nous a conservés.
De leurs cœurs attendris tel était le langage :
Mais qui peut s’assurer sur un peuple volage,
Dont la faible amitié s’exhale en vains discours,
Qui quelquefois s’élève, et retombe toujours ?
Ces prêtres, dont cent fois la fatale éloquence
Ralluma tous ces feux qui consumaient la France,
Vont se montrer en pompe à ce peuple abattu.
« Combattants sans courage, et chrétiens sans vertu,
À quel indigne appât vous laissez-vous séduire ?
Ne connaissez-vous plus les palmes du martyre ?
Soldats du Dieu vivant, voulez-vous aujourd’hui
Vivre pour l’outrager, pouvant mourir pour lui ?
Quand Dieu du haut des cieux nous montre la couronne,
Chrétiens, n’attendons pas qu’un tyran nous pardonne.
Dans sa coupable secte il veut nous réunir :
De ses propres bienfaits songeons à le punir.
Sauvons nos temples saints de son culte hérétique. »
C’est ainsi qu’ils parlaient ; et leur voix fanatique,
Maîtresse du vil peuple, et redoutable aux rois[1],
Des bienfaits de Henri faisait taire la voix ;
Et déjà quelques-uns, reprenant leur furie,
S’accusaient en secret de lui devoir la vie.
À travers ces clameurs et ces cris odieux,
La vertu de Henri pénétra dans les cieux.
Louis, qui du plus haut de la voûte divine
Veille sur les Bourbons dont il est l’origine,
Connut qu’enfin les temps allaient être accomplis,
Et que le Roi des rois adopterait son fils.
Aussitôt de son cœur il chassa les alarmes :
La Foi vint essuyer ses yeux mouillés de larmes ;
Et la douce Espérance, et l’Amour paternel,
Conduisirent ses pas aux pieds de l’Éternel.
Au milieu des clartés d’un feu pur et durable,

  1. Imitation d'Athalie, acte IV, scène iii :
    Maîtresses d'un vil peuple obéissent aux rois.