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Bientôt les deux guerriers entrent dans la carrière.
Henri du champ d’honneur leur ouvre la barrière.
Leur bras n’est point chargé du poids d’un bouclier ;
Ils ne se cachent point sous ces bustes d’acier,
Des anciens chevaliers ornement honorable,
Éclatant à la vue, aux coups impénétrable :
Ils négligent tous deux cet appareil qui rend[1]
Et le combat plus long, et le danger moins grand.
Leur arme est une épée ; et, sans autre défense,
Exposé tout entier, l’un et l’autre s’avance.
« Ô Dieu ! cria Turenne, arbitre de mon roi[2],
Descends, juge sa cause, et combats avec moi ;
Le courage n’est rien sans ta main protectrice ;
J’attends peu de moi-même, et tout de ta justice. »
D’Aumale répondit : « J’attends tout de mon bras[3] ;
C’est de nous que dépend le destin des combats :
En vain l’homme timide implore un Dieu suprême ;
Tranquille au haut du ciel, il nous laisse à nous-même :
Le parti le plus juste est celui du vainqueur ;
Et le dieu de la guerre est la seule valeur. »
Il dit ; et, d’un regard enflammé d’arrogance,
Il voit de son rival la modeste assurance.
Mais la trompette sonne : ils s’élancent tous deux ;
Ils commencent enfin ce combat dangereux.
Tout ce qu’ont pu jamais la valeur et l’adresse[4],

    imitation de la Jérusalem délivrée. Dans les premières éditions, le combat était plus précipite, (G. A.)

  1. Imitation de Corneille (Cinna, acte V, scène iii) :
    O vertu sans exemple ! ô clémence, qui rend
    Votre pouvoir plus juste, et mon crime plus grand.
  2. Ce vers et les onze qui le suivent furent ajoutés en 1746.
  3. Imitation de Virgile (Æn., X, 773-74) :
    Dextra mihi deus, et telum, quod missile libro,
    Nunc adsiut.

    Et de Stace (Thébaïde, III, 615-16) :
    Virtus mihi numen et ensis
    Quem teneo.
  4. Cette description du combat de Turenne contre d’Aumale est en partie imitée de la Jérusalem délivrée, chants VI et VII.