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Bientôt, quittant les bords de l’aimable Aréthuse,
Dans les champs de Provence il vole vers Vaucluse[1],
Asile encor plus doux, lieux où, dans ses beaux jours,
Pétrarque soupira ses vers et ses amours.
Il voit les murs d’Anet, bâtis aux bords de l’Eure[2] ;
Lui-même en ordonna la superbe structure :
Par ses adroites mains avec art enlacés,
Les chiffres de Diane[3] y sont encor tracés.
Sur sa tombe, en passant, les Plaisirs et les Grâces
Répandirent les fleurs qui naissaient sur leurs traces.
Aux campagnes d’Ivry l’Amour arrive enfin.
Le roi, près d’en partir pour un plus grand dessein,
Mêlant à ses plaisirs l’image de la guerre,
Laissait pour un moment reposer son tonnerre.
Mille jeunes guerriers, à travers les guérets,
Poursuivaient avec lui les hôtes des forêts.
L’Amour sent, à sa vue, une joie inhumaine ;
Il aiguise ses traits, il prépare sa chaîne ;
Il agite les airs que lui-même a calmés ;
Il parle, on voit soudain les éléments armés.
D’un bout du monde à l’autre appelant les orages,
Sa voix commande aux vents d’assembler les nuages,
De verser ces torrents suspendus dans les airs,
Et d’apporter la nuit, la foudre, et les éclairs.
Déjà les Aquilons, à ses ordres fidèles,
Dans les cieux obscurcis ont déployé leurs ailes ;
La plus affreuse nuit succède au plus beau jour ;
La Nature en gémit, et reconnaît l’Amour.
Dans les sillons fangeux de la campagne humide ;
Le roi marche incertain, sans escorte et sans guide ;
L’Amour, en ce moment, allumant son flambeau,
Fait briller devant lui ce prodige nouveau.

  1. Vaucluse, Vallis clausa, près de Gordes, en Provence, célèbre par le séjour que fit Pétrarque dans les environs. L'on voit même encore près de sa source une maison qu'on appelle la maison de Pétrarque. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Voyez, page 210, note 2.
  3. Anet fut bâti par Henri II pour Diane de Poitiers, dont les chiffres sont mêlés dans tous les ornements de ce château, lequel n'est pas loin de la plaine d’Ivry. (Id., 1730.)