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La sombre Jalousie, au teint pâle et livide,
Suit d’un pied chancelant le Soupçon qui la guide :
La Haine et le Courroux, répandant leur venin,
Marchent devant ses pas, un poignard à la main.
La Malice les voit, et d’un souris perfide
Applaudit, en passant, à leur troupe homicide.
Le Repentir les suit, détestant leurs fureurs,
Et baisse en soupirant ses yeux mouillés de pleurs.
C’est là, c’est au milieu de cette cour affreuse,
Des plaisirs des humains compagne malheureuse,
Que l’Amour a choisi son séjour éternel.
Ce dangereux enfant, si tendre et si cruel,
Porte en sa faible main les destins de la terre,
Donne, avec un souris, ou la paix, ou la guerre,
Et, répandant partout ses trompeuses douceurs,
Anime l’univers, et vit dans tous les cœurs.
Sur un trône éclatant contemplant ses conquêtes,
Il foulait à ses pieds les plus superbes têtes ;
Fier de ses cruautés plus que de ses bienfaits,
Il semblait s’applaudir des maux qu’il avait faits.
La Discorde soudain, conduite par la Rage,
Écarte les Plaisirs, s’ouvre un libre passage,
Secouant dans ses mains ses flambeaux allumés,
Le front couvert de sang, et les yeux enflammés :
Mon frère, lui dit-elle, où sont tes traits terribles ?
Pour qui réserves-tu tes flèches invincibles ?
Ah ! si de la Discorde allumant le tison,
Jamais à tes fureurs tu mêlas mon poison ;
Si tant de fois pour toi j’ai troublé la nature,
Viens, vole sur mes pas, viens venger mon injure :
Un roi victorieux écrase mes serpents ;
Ses mains joignent l’olive aux lauriers triomphants :
La Clémence avec lui marchant d’un pas tranquille,
Au sein tumultueux de la guerre civile,
Va sous ses étendards, flottants de tous côtés,
Réunir tous les cœurs par moi seul écartés :
Encore une victoire, et mon trône est en poudre.
Aux remparts de Paris Henri porte la foudre :
Ce héros va combattre, et vaincre, et pardonner ;
De cent chaînes d’airain son bras va m’enchaîner.