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Soit qu’il finît sa course au vaste sein de l’onde,
Sa voix faisait redire aux échos attendris
Le nom, le triste nom de son malheureux fils[1].
Du héros expirant la jeune et tendre amante[2],
Par la terreur conduite, incertaine, tremblante,
Vient d’un pied chancelant sur ces funestes bords :
Elle cherche, elle voit dans la foule des morts,
Elle voit son époux ; elle tombe éperdue ;
Le voile de la mort se répand sur sa vue :
« Est-ce toi, cher amant ? » Ces mots interrompus,
Ces cris demi formés ne sont point entendus ;
Elle rouvre les yeux ; sa bouche presse encore
Par ses derniers baisers la bouche qu’elle adore :
Elle tient dans ses bras ce corps pâle et sanglant,
Le regarde, soupire, et meurt en l’embrassant.
Père, époux malheureux, famille déplorable,
Des fureurs de ces temps exemple lamentable,
Puisse de ce combat le souvenir affreux
Exciter la pitié de nos derniers neveux,
Arracher à leurs yeux des larmes salutaires ;
Et qu’ils n’imitent point les crimes de leurs pères :
Mais qui fait fuir ainsi ces ligueurs dispersés ?
Quel héros, ou quel dieu, les a tous renversés ?
C’est le jeune Biron ; c’est lui dont le courage
Parmi leurs bataillons s’était fait un passage.
D’Aumale les voit fuir, et, bouillant de courroux :
« Arrêtez, revenez… lâches, où courez-vous ?
Vous, fuir ! vous, compagnons de Mayenne et de Guise !
Vous qui devez venger Paris, Rome, et l’Église !

  1. Imitation de Virgile (Géorg., IV, 464-466, et 526):
    Ipse, cava solans ægrum testudine amorem,
    Te, dulcis conjux, te solo in littore secum,
    Te, veniente die, te, decedente, canebat.
    · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
    Ah, miseram Eurydicem! anima fugiente, vocabat.
  2. Ce morceau est une imitation du tableau de la mort d'Andromaque dans l’Iliade (chant XXII, vers 437-476), et des vers de Racine dans Phèdre, acte V,
    scène vi :
    La timide Aricie est alors arrivée, etc.