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Biron[1], dont le seul nom répandait les alarmes ;
Et son fils[2], jeune encore, ardent, impétueux,
Qui depuis… mais alors il était vertueux[3] ;
Sully[4], Nangis, Crillon, ces ennemis du crime,

  1. Henri de Gontaud de Biron, maréchal do France, grand-maître de l’artillerie, était un grand homme de guerre : il commandait à Ivry le corps de réserve, et contribua au gain de la bataille en se présentant à propos à l’ennemi. Il dit à Henri le Grand, après la victoire : « Sire, vous avez fait ce que devait faire Biron, et Biron ce que devait faire le roi. » Ce maréchal fut tué d’un coup de canon, en 1592, au siège d’Épernay. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Charles de Gontaud de Biron, maréchal et duc et pair, fils du précédent, conspira depuis contre Henri IV, et fut décapité dans la cour de la Bastille en 1620. On voit encore à la muraille les crampons de fer qui servirent à l’échafaud. (Id., 1730.)
  3. Ce texte, qui est de 1728, est une imitation de Racine (Britannicus, acte IV, scène 11 ) :
    Et ce même Burrhus,
    Qui depuis... Rome alors estimait ses vertus.
  4. Rosny, depuis duc de Sully, surintendant des finances, grand-maître de l’artillerie, fait maréchal de France après la mort de Henri IV, reçut sept blessures à la bataille d’Ivry. (Id., 1730.)

    Il naquit à Rosny, en 1559, et mourut à Villebon en 1641 : ainsi il avait vu Henri II et Louis XIV. Il fut grand-voyer et grand-maître de l’artillerie, grand-maître des ports de France, surintendant des finances, duc et pair et maréchal de France. C’est le seul homme à qui ou ait jamais donné le bâton de maréchal comme une marque de disgrâce : il ne l’eut qu’en échange de la charge de grand-maître de l’artillerie, que la reine régente lui ôta en 1634. Il était très-brave homme de guerre, et encore meilleur ministre; incapable de tromper le roi et d’être trompé par les financiers. Il fut inflexible pour les courtisans, dont l’avidité est insatiable, et qui trouvaient en lui une rigueur conforme à l’humeur économe de Henri IV. Ils l’appelaient le négalif, et l’on disait que le mot de oui n’était jamais dans sa bouche. Avec cette vertu sévère il ne plut jamais qu’à son maître, et le moment de la mort de Henri IV fut celui de sa disgrâce. Le roi Louis XIII le fit revenir à la cour quelques années après, pour lui demander ses avis. Il y vint, quoique avec répugnance. Les jeunes courtisans qui gouvernaient Louis XIII voulaient, selon l’usage, donner des ridicules à ce vieux ministre, qui reparaissait dans une jeune cour avec des habits et des airs de mode passés depuis longtemps. Le duc de Sully, qui s’en aperçut, dit au roi : « Sire, quand le roi votre père, de glorieuse mémoire, me faisait l’honneur de me consulter, nous ne commencions à parler d’affaires qu’au préalable on n’eût fait passer dans l’antichambre les baladins et les bouffons de la cour. »

    Il composa, dans la solitude de Sully, des mémoires dans lesquels règne un air d’honnête homme, avec un style naïf, mais trop diffus.

    On y trouve quelques vers de sa façon, qui ne valent pas plus que sa prose. Voici ceux qu’il composa en se retirant de la cour, sous la régence de Marie de Médicis :

    Adieu maisons, châteaux, armes, canons du roi ;
    Adieu conseils, trésors déposés à ma foi;
    Adieu munitions, adieu grands équipages ;
    Adieu tant de rachats, adieu tant de ménages ;
    Adieu faveurs, grandeurs; adieu le temps qui court;
    Adieu les amitiés et les amis de cour ; etc.

    Il ne voulut jamais changer de religion ; cependant il fut des premiers à cou-