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« Regardez, dans Denain, l’audacieux Villars[1]
Disputant le tonnerre à l’aigle des césars[2],
Arbitre de la paix, que la victoire amène,
Digne appui de son roi, digne rival d’Eugène.
Quel est ce jeune prince[3] en qui la majesté
Sur son visage aimable éclate sans fierté ?
D’un œil d’indifférence il regarde le trône :
Ciel ! quelle nuit soudaine à mes yeux l’environne[4] !
La mort autour de lui vole sans s’arrêter ;
Il tombe aux pieds du trône, étant près d’y monter.
Ô mon fils ! des Français vous voyez le plus juste ;
Les cieux le formeront de votre sang auguste.
Grand Dieu ! ne faites-vous que montrer aux humains[5]
Cette fleur passagère, ouvrage de vos mains ?
Hélas ! que n’eût point fait cette âme vertueuse !
La France sous son règne eût été trop heureuse :
Il eût entretenu l’abondance et la paix ;

    de France, duc et pair, gagna la bataille du Cassel sous les ordres de Monsieur, frère de Louis XIV, remporta en chef les fameuses victoires de Mons, de Fleurus, de Steinkerque, de Nerwinde, et conquit des provinces au roi. Il fut mis à la Bastille, et reçut mille dégoûts des ministres. (Note de Voltaire, 1730.)

  1. On s’était proposé de ne parler dans ce poëme d’aucun homme vivant; on ne s’est écarté de cette règle qu’en faveur du maréchal duc de Villars.

    Il a gagné la bataille de Frédelingue et celle du premier Hochstedt. Il est à remarquer qu’il occupa dans cette bataille le même terrain où se posta depuis le duc de Marlborough, lorsqu’il remporta contre d’autres généraux cette grande victoire du second Hochstedt, si fatale à la France. Depuis, le maréchal de Villars, ayant repris le commandement des armées, donna la fameuse bataille de Blangis ou de Malplaquet, dans laquelle on tua vingt mille hommes aux ennemis, et qui ne fut perdue que quand le maréchal fut blessé.

    Enfin, en 1712, lorsque les ennemis menaçaient de venir à Paris, et qu’on délibérait si Louis XIV quitterait Versailles, le maréchal de Villars battit le prince Eugène à Denain, s’empara du dépôt de l’armée ennemie à Marchiennes, fit lever le siège de Landrecies, prit Douai, le Quesnoy, Bouchain, etc., à discrétion, et fit ensuite la paix à Rastadt, au nom du roi, avec le même prince Eugène, plénipotentiaire de l’empereur. (Id., 1730.)
  2. Fréron (Année littéraire, 1770, V, 118) prétend que ce vers est pris à Cotin, qui a dit :
    Il arrachait la foudre à l’aigle des césars.
  3. Feu M. le duc de Bourgogne. (Note de Voltaire, 1723.)
  4. Imitation de Virgile (Æn., VI, 866) :
    Sed nos atra caput tristi circumvolat umbra.
  5. Virgile a dit (Æn., VI, 869-70) :
    Ostendent terris hunc tantum fata, neque ultra
    Esse sinent.